Félicité TRAORE, Maryvonne CHARMILLOT, Séverine BENOIT
12 / 1998
Madame Félicité Traoré, CAPEO (Cellule d’Appui à la Petite Entreprise de Ouagadougou): « Quand un homme vient s’asseoir pour parler avec toi de son problème d’entreprise ou de ses affaires, l’entretien c’est 15 minutes : vous comprenez et puis c’est terminé. Quand c’est une femme, elle arrive et il faut d’abord qu’elle dise bonjour et qu’elle parle déjà de sa situation à elle. Il faut écouter et si tu n’écoutes pas tu ne peux pas passer à l’essentiel : difficultés liées à la femme, difficultés liées au mari qui ne veut pas qu’elle se batte, liées aux hommes qui la privent des machines. En général, on est obligé de passer par là pour leur remonter le moral avant de passer au service à leur rendre. Appuyer les femmes-entrepreneurs n’est vraiment pas facile, il faut mettre beaucoup plus de temps. Et quand on arrive au dossier de financement, on se rend compte alors qu’elles n’ont pas de garantie. Donc ce sont des dossiers qui ne se développent pas.
Selon mon expérience, la difficulté pour une femme de créer une entreprise est plus grande quand la femme n’a pas encore quitté le foyer pour entreprendre. Ensuite vient celle qui est mariée, qui n’a encore rien fait du tout, qui se rend compte que son mari n’arrive plus à subvenir à ses besoins (compte tenu de la dévaluation et tout), commence à se lancer dans les affaires. A ce moment-là, elle est critiquée par la famille et le mari qui n’a pas eu l’habitude de la voir faire des affaires. Et en général c’est difficile aussi pour ces femmes-là. Par contre celles qui sont déjà dans les rues, qui entreprennent déjà sont mieux que les hommes.
Pour beaucoup de femmes, les garanties et la formation suffisante pour discuter avec une institution financière, comprendre son propre dossier, le défendre, présenter des offres de service, pouvoir interpréter des appels d’offre sur le marché, ce sont ces points-là qui ne sont pas faciles. Enfin, les entreprises de femmes on souvent du mal à payer des salaires consistants et donc à avoir des ressources humaines compétentes pour combler des insuffisances qu’elles- mêmes auraient. Quand on regarde nos mamans, on voit qu’elles ont quand même eu du revenu; elles avaient la possibilité d’acheter une parcelle et de construire une maison mais elles n’y ont pas pensé parce que leur argent rentrait dans les dépenses pour entretenir la maison pendant que le monsieur, lui, avait accès au crédit pour acheter du terrain, pour construire. Et pendant que lui achète, il n’arrive plus à subvenir à certains besoins et il faut que la femme apporte le complément. Et à un moment donné c’est sûr que c’est lui qui a acquis son bien, ce n’est pas la femme.
Actuellement, ce qui part dans les dépenses courantes est beaucoup plus important que ce qui part dans les investissements, en terme de coûts. Si vous mettez un homme et une femme en face et que vous dites à l’homme : « Tu vas construire la maison, on va te prendre 30 000 ou 50 000 CFA sur ton salaire » et que tu dis à la femme : « Toi tu t’occupes des dépenses ménagères », 30 000 ou 50 000 cela ne peut pas faire vivre une famille. La femme "investit dans le caca", c’est à dire on mange et on va aux toilettes. Alors que l’homme investit dans l’immobilier. Mais toujours est-il que les deux ensemble font quelque chose pour la famille, parce si la femme n’avait pas fait sa part, le mari serait peut-être obligé de la payer et il n’aurait pas construit sa maison. Cela coûte plus cher de mettre son argent dans la popote de tous les jours plutôt que de mettre son argent de côté et de se dire : « Je vais m’acheter une villa ou une voiture » car cette dépense-là ne se paye pas en une année. Et si toi, femme, tu avais la possibilité d’avoir un financement qui te permette d’acheter, tu pourrais acheter au même titre que l’homme. Aujourd’hui, il y a un changement au niveau de la loi où on a revu le code de la famille qui donne beaucoup plus de facilité au couple, en fonction de la formule que vous avez choisi au moment du mariage. C’est des choses qui sont sur papier. Au moins la justice en tient compte. Mais est-ce que la société elle-même a accepté qu’à un moment donné on dise : « On va donner la maison à la femme et puis l’homme prend la voiture et ainsi de suite » ?"
femme, création d’entreprise, genre
, Burkina Faso, Ouagadougou
Mieux vaudrait, pour une femme burkinabé qui désire fonder une entreprise, quitter d’abord son foyer, explique une conseillère en entreprise d’une façon aussi imagée que convaincante.
Entretien avec TRAORE, Félicité
Entretien
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