10 / 1999
Au moment de sa création, le Credetip avait fait un double constat. D’une part, il y avait un besoin urgent pour les pêcheurs de s’organiser pour défendre leurs intérêts. Aussi les organisations censées représenter les intérêts de la pêche artisanale n’avaient aucune perspective a long terme si ce n’est des revendications de survie matérielle et économique : accès au crédit, aux équipements de pêche, etc. C’est la raison pour laquelle les coopératives sont les seules formes d’organisation qu’on pouvait retrouver dans nos pays. Au-delà de leurs caractères corporatistes, les coopératives ne pourraient en aucune façon être un espace ou les pêcheurs pouvaient débattre librement de leurs problèmes. Ces dernières étaient sous le contrôle de l’administration.
Cette situation nous a conduits à mettre l’accent sur l’organisation, refusant ainsi dès la création de l’ONG de nous inscrire dans une logique "projet".Cette orientation est dynamisée par le contexte dans lequel est né le Credetip : problèmes de la ressource, conflits entre le tourisme et la pêche, remettant en cause les droits d’accès à la terre pour des milliers de femmes et d’hommes vivant sur le littoral, etc.
Pour lutter contre cela, il faut s’organiser tout court. Nous nous sommes aussi rendu compte qu’aucune ONG ne devrait le faire à la place des communautés qui en sont les premières victimes. C’est ce qui nous a amenés à entamer un travail de communication et de concertation avec des leaders pêcheurs dans leurs villages respectifs :Kayar, Hann et Joal.
Cette concertation nous a permis de voir quelle pourrait être le rôle d’accompagnement d’une ONG et quelles devaient être les activités à prendre en charge par les pêcheurs. En tant qu’ONG, notre appui aux revendications des pêcheurs se traduisait par une production d’informations indispensables pour adresser des demandes au gouvernement. Par exemple pour la campagne contre les accords de pêche, le crevettier a procédé à des évaluations des dommages subis par les pêcheurs suite à des accidents avec les bateaux industriels. Le rapport de cette étude a permis au Cnps de faire une plate-forme revendicative crédible lors de sa première campagne en 1992.
Ce choix n’est pas sans nous poser des problèmes dans la mesure où il va conduire vers une appréciation très négative de la part de l’Etat sur le Credetip. Aussi, les ONG qui ont en général une approche très différente, ont-elles certaines difficultés à coopérer avec nous.
C’est la raison pour laquelle beaucoup de nos pairs - les ONG - considèrent que le Credetip n’est pas une ONG.
A partir de 1994, l’expérience acquise par le Cnps, devenu ainsi un contre pouvoir a intéressé certains pêcheurs de la sous-région. Nous avons été contactés par certaines de ces organisations intéressées par l’Appui Institutionnel que nous avons apporté au Cnps.
C’est d’ailleurs tout le sens du travail du Credetip, au niveau de la sous-région. Nous avons ainsi contribué à l’émergence et /ou au renforcement de certaines organisations comme :l’Association Nationale des Femmes Fumeuses de poisson de Guinée organisées en coopératives et travaillant sur les sites de Boulbinet, Taminataye et Bofa, l’Association des Pisciculteurs du Mali, le Syndicat des pêcheurs du Bernin, l’Association des Femmes Togolaises vendeuses de poisson.
Notre mission n’a jamais consisté à appuyer l’émergence d’organisations dont l’objectif est de capter des fonds. Nous avons fait de l’éducation au développement. Notre approche a permis à certaines organisations auxquelles nous sommes liés d’évoluer thématiquement. En effet, ces dernières ont compris que les enjeux du développement ne peuvent pas être réduits à des préoccupations d’ordre matériel et financier. La problématique des accords de pêche entre nos pays et les pays du Nord est de plus en plus intègre dans leurs réflexions et revendications. Il en est de même pour la problématique du tourisme dont le développement le long du littoral remet en cause les droits traditionnels d’accès à la terre pour des milliers de pêcheurs et de femmes impliquées dans la transformation et la commercialisation du poisson. Comme résultats de notre approche et de nos actions nous avons au niveau de la sous-région des organisations qui luttent contre :
- Les accords de pêche entre leurs gouvernements et les pays tiers.
- Le développement du tourisme dont le développement le long du littoral remet en cause le droits d accès a la terre pour des milliers de personnes vivant dans les communautés de pêcheurs. Le Cnps a conduit au mois de Juillet de cette année une campagne nationale au Sénégal avec de fortes demandes adressées au Gouvernement dont le vote à l’Assemblée nationale d’un décret pour que des réserves foncières soient affectées aux communautés de pêcheurs.
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, Sénégal
Aliou Sall est socio-anthropologue, spécialiste de la pêche. Il est aussi le secrétaire exécutif du Credetip.
Texte original
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CREDETIP (Centre de Recherche pour le Développement des Technologies Intermédiaires de Pêche) - B.P. 3916 Dakar SENEGAL - Tél. : (221)821.94.62 - Fax : (221)821.94.63 - Sénégal - credetip (@) sentoo.sn