Interfaces et facilitation
11 / 1998
Dans les années 1991-92, un petit groupe composé de fonctionnaires, de consultants privés, d’universitaires de la région marseillaise ont constaté que face aux problèmes de développement, et notamment de développement durable liant économie, environnement et société, les différents acteurs avaient des difficultés à trouver en France des structures publiques ou privées neutres et impartiales capables de faciliter la mise en cohérence de logiques différentes, de redonner du sens aux actions, de créer les interfaces nécessaires pour faire émerger des projets durables.
De là est née une première association, très légère donc très souple, baptisée RESOTOPIE (formée avec les mots « réseau » et « utopie »), proposant d’aider bénévolement certains décideurs à mieux formuler leurs commandes pour faire émerger des projets cohérents et durables. Il est rapidement apparu que les besoins étaient énormes dans ce domaine. RESOTOPIE a gagné un « R » et s’est finalement appelée RESOTROPIE, le mot « entropie » ayant remplacé le mot « utopie ». Une telle association sans budget (elle n’avait même pas de compte bancaire)et sans moyens autres que le bénévolat ne pouvait pas répondre aux attentes compte tenu de l’importance des enjeux, notamment pour les consultants privés.
L’émergence d’une association partenariale autour du bassin méditerranéen, appelée Villes et Territoires Méditerranéens (VTM)a permis a RESOTROPIE d’aider (modestement)VTM à se constituer. L’avantage d’une association légère souple et efficace permettant un progrès rapide s’est estompé avec la consolidation de VTM. En 1994, RESOTROPIE a décidé sa dissolution et ses membres ont rejoint Villes et Territoires Méditerranéens.
Il restait à aller au-delà du discours pour poursuivre jusqu’au bout des actions concrètes dans le domaine du développement durable. C’est dans ce but qu’a été expérimentée pour 2 ans en 1996 une entreprise en réseaux de conseil et d’ingénierie du développement durable, appelée RESOPOLE, fonctionnant sur le principe de la transdisciplinarité (et non de la pluridisciplinarité), appuyée sur des « pôles » de « réseaux » d’universitaires et de consultants privés dans un certain nombre de domaines (environnement, économie, communication, opérationnel)et des pôles de réseaux associatifs (Fondation pour le Progrès de l’Homme, Fondation pour l’Emploi Réinventé, Villes et Territoires Méditerranéens). S’étant volontairement placée dans des conditions difficiles pour tester la fiabilité économique d’une telle structure s’apparentant à une société commerciale à but non lucratif, RESOPOLE a déposé son bilan le 31 août 1998 avec une perte de l’ordre de 10
de son chiffre d’affaires. D’autres raisons ont évidemment conduit à suspendre actuellement l’expérience.
Si la formule privée présente incontestablement des avantages tels que :
- l’indépendance, permettant la neutralité,
- la possibilité de « faire passer » des messages que ne peuvent se permettre les administrations ou les acteurs publics,
- l’efficacité dans l’approche globale et la médiation citoyenne,
- la souplesse et la facilité d’adaptation ou de recadrage sur les problèmes,
- la possibilité de gestion des interfaces,
- l’efficacité du fonctionnement en réseau avec le tissu associatif et parapublic,
cette formule « privée » pose toutefois les problèmes suivants :
- absence de rentabilité économique immédiate à court terme,
- demande solvable encore faible malgré des besoins importants,
- nécessité d’un comité d’éthique face aux intérêts financiers privés, voire politico-maffieux, mais aussi pour ne pas dériver vers la prise de contrats à éthique douteuse par seule nécessité de survie économique de l’entreprise,
- contexte politique trop fluctuant et trop soucieux du seul court terme, ne s’impliquant pas sur le long terme au-delà du discours,
- secteur privé réticent à fonctionner en réseau sur ces thèmes en raison d’impératifs financiers à court terme dans un marché étroit.
développement durable, entreprise, rôle de l’Etat
, France, Bouches-du-Rhône, Aveyron
Cette expérience a confirmé qu’une vision « Développement Durable » à long terme intégrant à la fois les problèmes économiques, environnementaux et sociaux est d’intérêt public, et qu’elle suppose pour l’instant en France une implication de l’Etat et des pouvoirs publics. La formule souple en petite unité est une formule efficace et d’avenir dans ce domaine, tant qu’il est impossible, en l’absence de réforme de l’Etat, de créer des unités publiques interministérielles globales et partenariales d’O. N. G. ou du privé. Il semble actuellement indispensable de poursuivre ce travail concret au delà de la réflexion pour « allier la pensée globale à l’action locale », mais la formule efficace reste à inventer en France. Sur le plan économique, une rentabilité économique (équilibre recettes dépenses)semble pouvoir être envisagée vers 2002 (cette expérience aurait 5 ans d’avance selon la Fondation pour l’Emploi Réinventé), mais aujourd’hui on devrait pouvoir gérer publiquement ce type de structure en réseau de façon équilibrée au sein d’organismes publics ou associatifs en attendant la création d’un statut pour les entreprises commerciales à but non lucratif.
En 1998, l’auteur, Jean-Charles POUTCHY TIXIER, était chargé de mission sur le développement durable au Ministère de l’Equipement, des Transports et du Logement (METL) en France.
Jean-Charles POUTCHY TIXIER est chercheur au Conseil National des Transports (CNT).
Pour le contacter : Jean-Charles.Poutchy-Tixier@cnt.fr ou Jean-Charles.Poutchy-Tixier@equipement.gouv.fr
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