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Observations d’un observateur sur sa mission d’observation d’élections au Nicaragua

Diego GRADIS

03 / 1994

En tant que responsable d’une ONG collaborant avec le Nicaragua, j’ai été convié par l’organisme du gouvernement de ce pays chargé des élections, à venir observer le processus de l’élection des membres des Conseils des Régions Autonomes Nord et Sud de la Côte Atlantique du 27 février 1994.

Mon statut d’observateur était celui d"’invité". Il différait légèrement de celui des observateurs "d’organisations internationales" dont la présence résultait d’accords passés entre ces organisations et l’Etat du Nicaragua. Les autres jouissaient d’un droit et moi d’un privilège.

Cependant, outre cette distinction, nos droits dans l’exercice de notre mandat étaient identiques.

Les observateurs des organisations internationales (ONU, OEA)étaient les plus nombreux. Ils étaient à la fois les bénéficiaires et les victimes de la mécanique bureaucratique des administration internationales voyant leurs déplacements et conditions de vie facilitées, mais leur liberté d’action réduite par une planification méticuleuse dont le résultat final prendrait la forme d’un volumineux et très administratif rapport au gouvernement du Nicaragua.

Pour en avoir accompagné certains pendant ma mission, je remarquais leur particulière méconnaissance du contexte politique, social et culturel dans lequel ils exercaient leurs fonctions. La plupart étaient des fonctionnaires en poste dans la région, à qui on proposait une bouffée d’air frais pendant deux ou trois jours. Les formulaires d’observation systématique des bureaux qu’ils devaient inspecter ne laissaient place à aucun jugement ni appréciation autres que des observations brutes sur le nombre d’inscrits, de votants, la composition de l’équipe responsable du bureau, l’aspect extérieur du bureau de vote et la retranscription des remarques éventuelles portées sur le registre officiel.

Une autre catégorie d’observateurs avait été invitée à la demande de partis influents préoccupés par le fait que les Sandinistes pouvaient avoir des intention de fraude : l’international Republican Institute venu de Washington. Par les conversations que j’ai pu avoir avec certains d’entre eux, il était manifeste que l’impartialité n’était pas leur principale caractéristique. Ils s’étaient fait inviter pour veiller à ce que les "bonnes" voies puissent se faire entendre aussi bien que les "moins bonnes".

En tant qu’observateur indépendant, je ressentais un sentiment de grande indépendance dans mes appréciations et dans ma faculté de pouvoir les transmettre au Consejo Supremo Electoral (CSE), responsable de l’organisation du scrutin et de la proclamation de ses résultats. Cependant le poids de mes observations ne serait en aucun cas supérieur à celui de ma représentativité. Je m’arrangeais donc pour que mon rapport puisse être adressé à différents échelons de l’administration gouvernementale et des cadres politiques.

Ainsi je pouvais avoir l’espoir que mes remarques, d’ailleurs relativement secondaires compte tenu des remarquables conditions de déroulement de la campagne et du scrutin, aient une chance d’être prises en considération. Les pressions que l’on peut exercer pour qu’un rapport de ce type puisse être pris en compte sont faibles, à moins de disposer à l’échelon international des relais adéquats pour lui donner une résonance significative.

Mots-clés

élection, démocratie


, Nicaragua

Commentaire

Comme l’avait exprimé le Président du CSE aux observateurs réunis pour un séminaire d’information, nous étions un "mal nécessaire". Cette remarque prenait tout son sens en observant la gêne de certains responsables des différents bureaux de vote visités le jour du scrutin ou de fonctionnaires du CSE sur le terrain, en ma présence. Je faisais pourtant bien attention de ne pas heurter leur sentiment dans l’exercice de ma mission, ni de gêner leur travail Il était évident que le simple fait de la présence d’observateurs pourrait contribuer à titre préventif à éviter certains écarts. Une des principales conditions de l’efficacité de cette présence est la neutralité, l’impartialité, l’objectivité et l’indépendance : autant d’attitudes mentionnées expressément à l’article 18 des "Normes pour l’observation internationale du processus électoral" qui me furent remises à mon arrivée au Nicaragua.

Le facteur "indépendance" est le plus important, me semble-t-il puisque c’est celui qui élimine tout risque que l’observation d’élections puisse devenir une caution à un processus entaché d’irrégularités.

Enfin, il paraît intéressant que des représentants d’organismes spécialisés soient associés à des observations d’élections. Ceux-ci se préoccuperont plus particulièrement du domaine de spécialisation qui est le leur. Ainsi pour ce qui me concerne, en tant que représentant d’une ONG travaillant exclusivement avec une population indigène, j’ai axé ma mission sur les inadéquations du système électoral en place, à la réalité des populations indiennes, et l’impact possible d’un tel scrutin sur la situation quotidienne de ces populations.

Notes

Diego Gradis est responsable de "Traditions pour demain", réseau associatif contribuant à la promotion et la défense des identités amérindiennes.

Source

Texte original

TRADITIONS POUR DEMAIN

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