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Progression des organisations paysannes indigènes dans la période de réajustement structurel

La sierra équatorienne

Ethel DEL POZO

03 / 1996

Depuis les années 70 la démarche organisationnelle des paysans indigènes de la Sierra Equatorienne relève d’un double registre: l’appartenance à l’univers social de la petite exploitation familiale, et l’appartenance à un environnement ethnico-communautaire. Les organisations d’aujourd’hui sont le résultat de luttes paysannes et au même temps de luttes ethniques, visant terre et territoire, production et redistribution, culture et politique, articulant impératifs de la vie matérielle et maintien des valeurs spirituelles, avançant parallèlement dans l’individuel et le communautaire.

Le paysage organisationnel est très dense: 3000 organisations de base (comunas, coopératives et associations), 126 organisations de second degré (unions, associations, fédérations), 17 fédérations de troisième degré et au sommet une organisation de portée nationale: La Confédération de Nationalités Indigènes de l’Equateur (CONAIE). La constitution légale d’organisations paysannes démarre avec la Loi de Comunas en 1937, de milliers de communautés indiennes se formalisent. Avec les mobilisations paysannes autour des politiques de Réforme Agraire 1965-1973 se légalisent beaucoup d’autres organisations de base. Même dans le nouveau contexte néo-libéral on signale la constitution de 350 organisations nouvelles. Les coopératives paysannes ont leur origine, pour la plus part, dans la Loi de Coopératives de 1966 et l’intervention de l’Etat. Les associations, dont l’émergence est récente, regroupent des travailleurs agricoles, notamment salariés ou semiprolétaires ruraux pour qui ni les comunas ni les coopératives n’apparaissent fonctionnelles à leurs intérêts spécifiques.

Les communautés de la Sierra, du fait d’une longue accumulation d’expériences, de contacts avec l’extérieur, de formation de leaders et de préparation technique, sont, à la fin des années 80, en passe de réaliser un "saut" historique sans précédent. La nouveauté est l’ouverture vers l’extérieur accompagnée d’une grande disposition à la modernisation organisationnelle, à l’expérimentation de nouvelles méthodes, à l’acquisition de nouvelles techniques et une notable prédisposition à cultiver de nouveaux produits. Souvent le cadre formel de la comuna n’est pas à la hauteur des initiatives qui se suscitent à la base. De tels exemples se trouvent surtout là où les économies familiales se sont insérées avec succès dans l’économie de marché par le biais d’un "réseau de commercialisation" souvent à base ethnique. Pour concrétiser en modernisation économique tous les "acquis" des années 80, la comuna doit faire nécessairement des progrès sur la voie d’un développement par l’entreprise. Elle doit faire face aux difficultés d’organisation, d’assistance technique et de commercialisation. Mais le principal défi est sans doute celui de faire la part du leadership politique et la part qui appartient à la gestion économique.

La forte mobilisation à l’intérieur des organisations de base aboutit à de formes d’agrégation à un niveau supérieur; un maillage organisationnel de second degré (OSD)recouvrant l’ensemble de la Sierra s’est ainsi constitué dans les années 70 et surtout dans les années 80. Les Unions et Fédérations de caractère local se sont multipliés. Sur la désagrégation de l’ancienne trilogie du pouvoir local (gamonal, curé, teniente politico)et sur l’affaiblissement du pouvoir commercial et usurier des métis de village, l’OSD vient à constituer un noyaux de pouvoir local dont la force est représentée par ces communautés en processus de modernisation.

Actuellement, les OSD veulent s’accorder une vocation d’intermédiation dont le rôle central serait la prestation de services aux organisations de base,; ce rôle n’est pas toujours évident ni adapté aux attentes ou aux besoins des usagers, mais la diversité de situations est la règle. Dans l’ensemble de leurs activités les OSD accordent peu d’intérêt au développement de la production, de ce fait elles ont du mal à créer les bases de leur autosubsistance. Elles sont victimes d’un effet de "facilité lié à leur relative accessibilité à des financements de faveur non remboursables. Sur les OSD opèrent aussi les effets négatifs d’un manque d’intégration de leurs projets dans les économies domestiques des familles associées à la base de l’organisation. La confusion des rôles (représentation politique et gestion économique)ne saurait durer car partout la d emande de rigueur dans le management des financements et dans la gestion comptable se fait pressante: Etat, ONG, relations mercantiles. Cette pression coïncide avec la fin d’une période où la formation politique des leaders concentrait les efforts des organisations. Finalement les OSD, à cause de contraintes signalées, n’arrivent pas à définir un concept d’économie régionale, une stratégie de développement local à long terme.

Sur le plan national, les dernières grandes mobilisations paysannes des années 80 et surtout celle de 1990, relèvent de la défense des intérêts du paysannat indien de la Sierra même si elles ont eu des allies dans d’autres secteurs de la société. Ces mobilisations, liderées par la CONAIE, ont eu un impact important sur le progrès matériel des communautés et sur l’environnement local: accélération de titularisation de la propriété des terres indigènes, création du "Fonds National des Terres Indigènes", extension à une large échelle des services d’eau potable et d’électricité, amélioration de l’habitat, programme d’Education Bilingue Interculturel à l’échelon national contrôlé et exécuté par les organisations. Malgré ses objectifs politiques la CONAIE rejette, à tort selon l’auteur, l’idée d’une confédération politique avec représentation parlementaire. Elle semble résigné à demeurer une force contestataire aux abords du système politique, sous-utilisant un potentiel politique qui représente certainement entre le tiers et le quart du corps électoral.

Mots-clés

organisation paysanne


, Équateur, Sierra Équatorienne

Commentaire

En conclusion l’auteur signale la pertinence de la variable ethnique, elle est payante sur le plan politique et du développement. Dans les années à venir les organisations devront insister sur l’aspect productif, sur l’articulation au marché, sur la formation technico-économique. Elles devront éclaircir leurs stratégies: stratégie d’entreprise, possibilités d’association avec d’autres producteurs ou entreprises, préciser une certaine vocation pour chacun des échelons organisationnels dans laquelle l’OSD s’occuperait de la programmation et l’appui au développement local et régional, elles devront travailler de façon systématique l’articulation au marché et s’intéresser sérieusement aux exigences du marketing des productions rurales qui sont en voie de diversification, processus qui s’intensifiera dans les années à venir.

Notes

Colloque "Agricultures Paysannes et Question Alimentaire", Chantilly, 20-23 Février, 1996.

E.del Pozo est une ethnologue d’origine péruvienne qui a beaucoup travaillé sur les organisations paysannes et indigènes.

Source

Compte rendu de colloque, conférence, séminaire,…

SANTANA, Roberto

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