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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Effets de l’ouverture du commerce mondial sur la restructuration agraire

Exemples de la Bolivie et du Chili

Ethel DEL POZO

03 / 1996

Le 1er janvier 1995 sont entrés en vigueur les Accords portant création de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC)après 7 années de négociations dans le cadre du Cycle de l’Uruguay du GATT. Les accords signifient en même temps une perte de certains privilèges comme le Système Généralisé de Préférences (SGP)pour les PED et une plus forte intégration dans le commerce multilatéral du fait même de l’abandon de traitements spéciaux comme le SGP ou certaines régulations ACP sauf pour les pays les moins avancés (PMA).

La suppression des clauses contraignantes pour les investissements étrangers peuvent aussi s’appliquer à des projets d’infrastructures rurales et surtout aux agro-industries étrangères. Celles-ci ne pourront plus être forcées à consommer du lait, du blé ou du maïs local et de ce fait ces marchés risquent d’en souffrir. De même, pour la propriété intellectuelle, l’obligation de reconnaissance des brevets étrangers par un PED va limiter sa propre capacité de recherche et d’innovation adaptée à ses conditions spécifiques. Ceci comprend toutes les recherches faites dans le domaine de la santé, de l’alimentation, et de toutes les innovations de technologie appropriée dans le domaine de l’agriculture.

C’est cependant dans le domaine des échanges de biens que les effets des Accords vont se faire le plus fortement sentir. Les nouvelles règles du jeu limitent les possibilités d’utiliser les droits de douane aux importations comme restriction aux échanges. Certes les tarifs douaniers réels appliques sont actuellement bien en dessous de la limite consolidée, mais un certain pouvoir discrétionnaire est ainsi enlevé aux PED pour assurer leur protection. Toutes les subventions directes aux prix permettant de créer n avantage à l’exportation, ainsi que celles favorisant les entreprises exportatrices par des subventions aux intrants importés ou des ristournes fiscales sont prohibées. Le dumping est interdit. En ce qui concerne les mesures de soutien, on peut remarques qu’elles concernent surtout les pays développés qui ont les moyens de faire des versements directs aux producteurs. Les programmes plus généraux de service public ou d’aide régionale et environnementale peuvent cependant avoir une application dans les PED. Les pays les moins avancés et les importateurs nets d’aliments du Sud font l’objet d’un traitement spécial.

Les bénéfices que les PED peuvent tirer des nouveaux Accords seront minimes à court terme mais pourraient être appréciables à moyen terme. C’est pourquoi il faut plutôt parler d’avantages potentiels, dépendant surtout des efforts internes réalisés par ces pays. La réduction des subsides aux prix intérieurs peut entraîner des meilleures conditions pour les pays du Groupe de Cairns, gros exportateurs de produits de base comme le blé (Argentine), le riz (Thaïlande), le soja (Brésil). La suppression des subventions aux exportations de produits agricoles des pays riches, de L’Union Européenne et des Etats Unis, peut avoir des conséquences positives quant à la reprise da la production agricole locale suite à la hausse des prix des produits importés; tel pourrait être le cas du blé dans les pays andins fortement déprimé depuis les années 50-60 par le PL480 des Etats Unis. A court, et même à long terme, cette hausse peut entraîner des conséquences négatives pour la sécurité alimentaire d’un certain nombre de pays dépendant fortement de l’aide alimentaire (Burkina Faso, Mali)et dont les potentialités agricoles sont restreintes. On peut estimer en faisant un bilan général de l’agriculture, que les gains des Accords pour les PED sera relativement faible au bout de la période d’adaptation de dix ans. Les gains globaux peuvent être estimés annuellement entre 100 et 200 milliards de US$ dans 10 ans, avec 1/3 seulement de ces gains allant aux PED. Les gains provenant de l’agriculture sont difficiles à estimer, les effets de transfert de rentes provenant de la suppression des restrictions quantitatives étant aléatoires. On peut remarquer que les études prospectives n’ont nullement pris en compte les effets internes de type structurel des accords de l’OMC, alors que cet aspect est fondamental en ce qui concerne non seulement l’adaptation des économies, mais de la redistribution interne des revenus entre les groupes sociaux.

La dérégulation internationale ne considère pas la situation particulière de certains secteurs agricoles par rapport à d’autres et encore moins la situation sociale des producteurs. Pour les petits paysans les effets sont négatifs: intrants plus chers, plus de dépendance par rapport aux agro-industries, normes environnementales, de qualité sanitaire, de conditionnement plus contraignantes.

Les cas du Chili et de la Bolivie.-Les deux pays ont une structure des exportations relativement diversifiée, dans laquelle l’agriculture n’est pas prépondérante, 30

au Chili et 15

en Bolivie. L’agriculture ne représente aussi qu’une part restreinte du PNB, 8

au Chili et 20

en Bolivie en 1992, avec cependant respectivement 17

et 38

des emplois. La différence entre les deux pays est la faible privatisation des entreprises publiques réalisées en Bolivie, et donc à une encore très forte prépondérance de l’Etat sur les décisions économiques, et une lourdeur bureaucratique manifeste. Le Chili a connu une forte progression depuis 1975, ses exportations des fruits ont été multipliés par dix; des grands et aussi de petits producteurs ont été entraînés dans cet effort, sans oublier de nombreux travailleurs agricoles saisonniers. La Bolivie n’a pas connu un tel boom mais on note une forte croissance de la production de soja, du coton et des châtaignes. Dans les deux pays les cultures de rente pour l’exportation, ont crû plus rapidement que les cultures vivrières depuis 1970. Au Chili la croissance de la production est dû à l’intensification, tandis qu’en Bolivie elle est horizontale reflétant une grande disponibilité en terres dans les régions subtropicales. Il reste difficile à la petite paysannerie bolivienne de s’intégrer à l’ouverture étant donné l’absence d’une structuration efficace à la chilienne du secteur d’exportation, et au vu de la faiblesse de l’Etat.

Mots-clés

commerce international, OMC


, Bolivie, Chili, Amérique Latine, Afrique, Asie

Commentaire

En conclusion l’auteur signale que la restructuration agraire en cours va encore s’accentuer, avec une polarisation aux deux extrêmes: concentration accrue des terres contrôlées par de grands groupes, et marginalisation croissante de tout petits exploitants. Il reste cependant au milieu de ces deux extrêmes un secteur des paysans moyens qui peuvent prétendre trouver une place dans les nouveaux systèmes agro-alimentaires qui se dessinent. La centralisation et la concentration n’exclut pas pour les membres de l’ancienne paysannerie, de multiples possibilités de participation, soit comme petits exploitants modernes, soit comme travailleurs ruraux.

Notes

Colloque "Agricultures Paysannes et Question Alimentaire", Chantilly, 20-23 Février 1996.

E.del Pozo est une ethnologue d’origine péruvienne qui a beaucoup travaillé sur les organisations paysannes et indigènes.

Source

Compte rendu de colloque, conférence, séminaire,…

AUROI, Claude

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