Le colloque de Chantilly, en mai 95, à l’instigation de SOLAGRAL et de la FPH, a réuni plus d’une centaine de participants (chercheurs,agriculteurs, fonctionnaires...)de divers pays d’Amérique latine et du Nord, d’Afrique et d’Europe, pour débattre des relations entre la politique agricole commune de l’Union européenne et le reste du monde, et notamment l’impact de cette politique au niveau des Pays en Voie de Développement (PED). L’objectif, au-delà de l’échange, était bien entendu de construire des propositions, à la fois de méthodes et de stratégies, pour la réforme de la réforme de la PAC, appelée également "la PAC3".
Car les défis sont importants, comme le rappelle Laure de Cénival dans son introduction : "la PAC3, celle du XXIe siècle, devra intégrer un changement de perspective géopolitique : l’union européenne s’élargira aux rives baltiques, à l’Europe centrale et aux balkans ; elle renégociera ses relations avec la Méditerranée, la frontière russe, l’Afrique... dans le cadre d’un marché de plus en plus globalisé". De nombreuses questions autour de cette réforme sont en suspens : quelles futures aides financières aux agriculteurs, quelles subventions notamment à l’exportation, comment distribuer ces aides avec plus de justice sociale... et pour quel contrat entre les agriculteurs et la société ? La mise en évidence d’effets négatifs sur l’économie agricole des PED plaide pour une prise en compte de la dimension internationale dans la définition de la nouvelle PAC : contingentement des exportations de tomates marocaines vers l’UE (après les accords de Marackech), concurrence de la viande européenne (essentiellement des bas morceaux)au Sahel (prix départ Europe : 2F/kg ! !, arrivée marché africain à 10F/kg contre 19 F/kg pour la viande locale), destabilisation du marché de la banane ACP suite à l’introduction de la "banane dollar" (latinoaméricaine)... Le seul contre exemple cité (la "success story"), est celui du marché des fleurs marocaines : encore faut-il préciser que les accords passés entre producteurs marocains et français pour se répartir le marché français suivant les périodes de production ne sont le fait ni de la PAC, ni de l’OMC... L’incohérence européenne entre sa politique d’aide au développement et sa politique agricole tournée vers l’exportation a donc été abondamment critiquée. Certains tentent une proposition : pourquoi ne pas profiter des avantages comparatifs régionaux et partager ainsi la production, les "droits à produire" ? Irréaliste, rétorquent les tenants de la fameuse "autosuffisance alimentaire", chaque peuple a le droit et le devoir de se nourrir, et l’Europe n’a pas de vocation naturelle agroexportatrice ! Et que veut dire d’ailleurs évaluer la compétitivité des uns et des autres si dès le départ les conditions d’accompagnement de la production sont si diverses (en gros, les pays riches subventionnent leur production, les pays pauvres n’en ont pas les moyens)? Dès lors, comment moraliser le commerce ? Peut-être en intégrant tous les coûts externes (notamment sociaux et environnementaux)et ensuite seulement parler d’avantages comparatifs. Peut-être aussi en limitant le voyage des produits agricoles à une certaine distance. Peut-être encore en développant un commerce basé sur la qualité des produits, sur les conditions de productions, et en labellisant ces produits. Laurence Tubiana (Solagral), après avoir incité les africains à s’organiser ("faites des propositions ! "), lance une réflexion autour du concept de "biens collectifs": certaines valeurs ne sont pas défendues par le marché (comme l’environnement, la sécurité alimentaire...). Donnons-leur un statut de bien collectif, défendu au niveau mondial par des règles.
Quelques propositions, notamment de la Confédération paysanne et de la Coordination Paysanne européenne, esquissent la philosophie de ce que pourrait être la PAC3 : arrêt des subventions à l’exportation, préférence communautaire, "davantage de voisins que d’hectares", quota, plafonnement des aides... Les PED acquièscent sur l’arrêt des subventions européennes à l’exportation, tiquent sur la préférence communautaire, mais réitèrent leur message : "nous avons plus besoin d’aide au développement que d’aide alimentaire ! " Seront-ils entendus ?
politique agricole, intervention de l’Etat dans l’agriculture, soutien des prix agricoles, subvention agricole, agriculture et environnement, PAC, réseau de citoyens, économie rurale, exportation agricole, subvention à l’exportation, intégration régionale et agriculture, commerce équitable, accord commercial
, , Europe, Afrique
Riches échanges d’expériences, ce colloque a dû constituer pour les participants un temps fort de dialogue, de partage... Pourtant, le restituer tel quel dans les actes rend le document touffu. Il eût été sans doute préférable, a posteriori, de classer les interventions, sans doute d’en synthétiser quelques-unes, afin d’arriver à un document plus clair, plus synthétique, plus opérationnel, avec davantage de "valeur ajoutée" (un chapitre regroupant tous les effets négatifs de la PAC sur les économies agricoles des PED aurait par exemple été très utile). On voit mal par exemple, en dehors de la richesse instantannée de l’échange, les possibles retombées de ce colloque : chacun y va en effet de ses propositions méthodologiques, mais le réseau en tant que tel ne semble pas avoir pris de décision...
Livre ; Compte rendu de colloque, conférence, séminaire,…
SOLAGRAL, FPH=FONDATION CHARLES LEOPOLD MAYER POUR LE PROGRES DE L'HOMME, Politique agricole commune et relations internationales, FPH in. Document de travail, 1997/07 (France), N°97
GEYSER (Groupe d’Etudes et de Services pour l’Economie des Ressources) - Rue Grande, 04870 Saint Michel l’Observatoire, FRANCE - France - www.geyser.asso.fr - geyser (@) geyser.asso.fr