Réflexion à partir du cas du Burkina Faso
03 / 1996
Le système national de vulgarisation agricole au Burkina Faso est fondé sur des présupposés non opératoires, rendant nécessaire sa redéfinition, en particulier par la prise en compte des organisations paysannes. Ces dernières ayant du mal à se constituer en réel mouvement paysan, les structures d’appui ont un rôle a jouer dans ce sens.
Selon le premier présupposé sous-tendant le dispositif de vulgarisation, les processus d’innovation, de diffusion et d’apprentissage endogènes sont marginaux ou inexistants. Ceci justifie que toutes les informations et apprentissages passent par les agents de base. Mais, en déniant le rôle de processus internes de diffusion de l’information des techniques introduites plusieurs années auparavant, les agents de base persistent à mener des actions sur des thèmes anciens. Or, si les producteurs ne les ont pas adoptés, c’est davantage par manque de ressources monétaires ou par crainte des incertitudes que par manque d’information. Si ces demandes de formation peuvent venir des Groupes de Travail (GT), la motivation d’apprentissage masque souvent une stratégie de recherche de contact ou d’éventuels crédits de la part de l’Etat. Le second présupposé tient à l’idée que seuls les services agricoles peuvent être à même de s’occuper de la vulgarisation. Ceci a amené le dispositif de vulgarisation à ignorer le rôle des organisations paysannes et des ONG ou des privés agissant dans ce domaine. Ceci peut s’expliquer par des problèmes de rivalité, tant au niveau institutionnel (entre services étatiques et organisations professionnelles)qu’au niveau individuel (l’agent de base trouvant dans le rôle de formateur un statut le différenciant du producteur). En outre, ces agents de base, formés de façon polyvalente, n’apportent souvent que des recettes sans souci de comprendre ou de considérer les spécificités locales.Afin qu’ils deviennent de véritables médiateurs, leur formation exigerait donc d’être à la fois plus spécifique et plus à même d’établir un contact réel et positif avec les producteurs dont la langue locale est même souvent ignorée.
Les dynamiques des organisations paysannes d’Afrique posent le problème de leur identité propre les différenciant des ONG. Outre le fait qu’il n’existe pas de différence juridique de statut, les deux types de structures se positionnent sur la mobilisation de ressources pour faire face aux défis rencontrés par les producteurs à travers un développement intégré. Une des conséquences de cette situation est l’absence de représentation politique des producteurs, en partie liée aux stratégies développées par les leaders paysans et les bailleurs de fonds. Les premiers mettent en place des programmes coïncidant aux offres proposées par les bailleurs de fonds. C’est ainsi que l’accent a davantage été mis sur des activités dans des secteurs délaissés par l’Etat au détriment d’une réflexion sur la dynamisation d’un mouvement paysan, sa fonction de représentation et de partage des responsabilités sur le plan politique.
Actuellement s’amorce la construction d’un mouvement politique et professionnel du milieu agricole se traduisant par la volonté de participer aux programmes de vulgarisation et de recherche, aux choix financiers qui les sous-entendent ainsi qu’à leur évaluation et à la formulation de demande d’appui. Il s’agit là d’une rupture, marquée par la revendication des producteurs de participer à l’élaboration des choix politiques les concernant. Cependant, ces volontés ont été exprimées lors de rencontres initiées par des bailleurs de fonds. Ce mouvement qui obtient l’avis favorable de certains membres de l’Etat ou de la coopération est appelé à dépasser le niveau de réaction ou de résistance pour se muer en un mouvement social apte à solliciter des alliances et des restructurations à l’échelle locale, nationale et internationale afin de transformer la société. A cet égard le Sénégal représente un modèle intéressant, avec la création du Conseil National de Concertation des Ruraux (CNCR)et la participation de leaders à des rencontres nationales et internationales.
Contrairement aux idées avancées par certains auteurs, ce n’est pas l’existence de conflits institutionnels, ni même la recherche de financements externes qui définit l’identité d’un mouvement social, mais bel et bien la volonté d’établir de nouvelles règles d’alliances permettant une solution durable des problèmes. Ceci nécessite de la part des leaders paysans de nouveaux types d’action et de réflexion qu’il reste à inventer. En outre, la capacité d’analyser et de structurer des programmes adéquats, l’aptitude à les imposer sur le plan politique nécessitent une représentation réelle du milieu rural ainsi que la création effective de réseaux et fédérations au plan national.
Cependant, le processus de démocratisation et d’ajustement constitue autant d’opportunités que de pièges pour la construction du mouvement paysan. La responsabilisation des organisations professionnelles suscitée par les bailleurs de fonds risque de favoriser l’abandon par l’Etat de ses obligations conduisant à un transfert des charges sur les organisations paysannes. Ces dernières doivent donc délimiter leurs responsabilités. Elles doivent en outre clarifier la répartition des rôles au sein même des organisations paysannes, afin qu’une même structure ne s’occupe pas à la fois de gestion de filière, de gestion d’infrastructures communales et de gestion des ressources naturelles. Enfin le risque guette les leaders agricoles de tirer profit de leur pouvoir politique et économique à des fins personnels ou locales, au lieu de servir la construction du mouvement paysan.
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, Burkina Faso
Ce texte pose la question de l’existence d’un mouvement paysan en Afrique Noire. Pour l’auteur, s’il existe une dynamique ancienne des organisations paysannes au Burkina Faso, on ne peut cependant pas parler de mouvement paysan ; il n’existe pas pour l’instant réellement de stratégie mise en ouvre visant à redéfinir les rapports existants entre les acteurs.
Le problème de la récupération politique des leaders a été évoqué par l’auteur lors des débats. L’intégration de leaders au sein du parti politique dominant peut relever de deux stratégies différentes : comme moyen d’accéder à la notabilité ou comme moyen de peser dans les décisions politiques.
Colloque "Agriculture paysanne et question alimentaire", Chantilly, 20-23 février 1996.
Compte rendu de colloque, conférence, séminaire,…
THIEBA, Daniel
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