L’intervention de l’État : inefficace et limitée
04 / 1997
Le NFA (National Food Authority, Conseil national alimentaire), a toute autorité pour aider les cultivateurs de céréales à obtenir des prix équitables pour leur production en achetant des grains à des prix de soutien élevés et aider les consommateurs les plus pauvres à s’assurer le riz à un prix accessible et raisonnable.
Cependant, il en a rarement été ainsi. Très affecté par la déréglementation et les mesures draconiennes imposées par les programmes d’ajustement structurel des gouvernements Aquino et Ramos, le NFà a rarement acheté la part de production qu’il s’était fixée : de 1980 à 1990, il n’a obtenu en moyenne que 6 % de la production totale au prix de soutien de 6 pesos le kilo et, en 1994, a obtenu moins de 1 % de ce qui fut pourtant une production exceptionnelle. Des études prouvent que, pour effectivement influencer les prix, le NFà devrait acheter environ 25 % de la production totale.
Le pays est de plus en plus dépendant des importations. En achetant moins sur les marchés locaux, le gouvernement épargne certes sur ses dépenses agricoles, mais s’est rendu dépendant des importations de céréales à des coûts modérés, car subventionnées, qu’il revend sur le territoire national à profit. En achetant de moins en moins ce qui est produit localement et de plus en plus à des pays extérieurs plus compétitifs, le gouvernement semble avoir renoncé à s’auto-suffire et désire plutôt libéraliser son commerce. Alors que les exportations de mangues, d’asperges et de fleurs représentent un marché florissant, pourquoi le pays devrait-il continuer à soutenir ses producteurs de riz ?
La libéralisation du commerce, en tant que moyen d’accéder à la sécurité alimentaire, semble avoir été institutionnalisée par la ratification des Philippines aux agréments du Gatt lors de l’Uruguay Round et sa participation prochaine à l’Organisation mondiale du commerce. Des quotas de limitation des importations de maïs ont été levés et ces importations considérées comme partie intégrante des engagements du pays vis-à-vis du Gatt. Un plan a été établi pour baisser les prix de l’indice 100 en 1995 à l’indice 50 en 2004. Bien que le pays ne se soit pas engagé à libéraliser totalement ses importations de riz comme les accords le prévoyaient, il semble que les tendances actuelles de production et de distribution montrent que le volume d’importations prévu par le gouvernement (de 59 000 tonnes en 1995 à 239 000 tonnes d’ici 2004)sera bientôt dépassé.
Depuis déjà longtemps, des critiques s’élèvent contre les programmes du Département de l’agriculture. Des organisations paysannes, des groupes de défense de l’environnement, des ONG et même des intellectuels ont mis en cause la sagesse et la rationalité du GPEP, le Programme d’amélioration de la production de céréales (Grain Production Enhancement Program), qui aboutira à terme à diminuer la surface réservée à la culture des céréales de 5 millions à 1,5 millions d’hectares. C’est aussi le GPEP qui oblige le NFA, organisme gouvernemental chargé tout particulièrement d’assurer la sécurité alimentaire, à réduire progressivement ses efforts pour acheter des céréales aux prix de soutien. Selon ce programme, le NFà devrait se limiter à acheter 3 % de la production et cesser toute aide aux producteurs de maïs d’ici 1998.
La politique d’intensification agricole prônée par le GPEP, basée sur l’augmentation des rendements et la diminution de la surface cultivée, pose question quant à la durabilité et aux impacts environnementaux.
Jusqu’à maintenant, les réponses du gouvernement philippin se sont concentrées surtout sur les investissements, en particulier en matière d’irrigation. Bien que de telles interventions soient importantes, les agriculteurs et les associations de consommateurs considèrent comme acquis que, isolés, ces efforts ne constituent pas une réponse efficace aux problèmes qui empêchent les Philippines d’accéder à la sécurité alimentaire. Sans réformes de la production et de la commercialisation, qui devraient fournir aux agriculteurs de céréales un soutien adéquat et leur permettre obtenir des subventions, le pays sera condamné à importer et donc à augmenter l’incertitude des populations les plus vulnérables concernant leur capacité d’acheter du riz.
Les organisations et les ONG philippines ont formulé de nombreuses réponses au problème de la sécurité alimentaire. Certaines d’entre elles, appuyées par le Congrès, veulent encourager une réforme politique et un soutien public accru aux agriculteurs et aux populations dans leurs efforts pour accéder à la sécurité alimentaire ; la communauté elle-même et les coopératives s’organisent pour renforcer la capacité des producteurs et des consommateurs à construire leurs propres circuits de production et de distribution alimentaires, et pour astreindre le gouvernement et les forces du marché à être plus sensibles à leurs besoins.
Voici quelques recommandations :
1- convoquer les conseils de sécurité alimentaire depuis les niveaux locaux jusqu’aux niveaux nationaux pour élaborer des solutions de moyen et de long terme ;
2- faire cesser la dépendance du pays vis-à-vis des importations de riz ;
3- renforcer le rôle du NFà dans la promotion et la vente des grains ;
4- mettre fin au monopole du cartel desgrandes entreprises ;
5- améliorer la capacité du gouvernement à fournir les informations liées aux marchés agricoles ;
6- repenser le GPEP et le plan à moyen terme de développement agricole, pour conserver et/ou diversifier les terres réservées à la riziculture et fournir les infrastructures nécessaires pour améliorer la production ;
7- étendre les infrastructures d’irrigation pour couvrir toutes les terres irrigables et soutenir les productions de riz, de maïs et de sucre ;
8- achever la réforme agraire ;
9- déclarer un moratoire sur la conversion des terres agricoles ;
10- promouvoir l’agriculture durable comme alternative à l’utilisation de substances chimiques ;
11- renforcer et multiplier les coopératives agricoles ;
12- assurer la participation active et pérenne des organisations d’agriculteurs dans les débats d’idées, les actions et les politiques qui les touchent directement.
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, Philippines
Ce texte fait partie d’une série de cas portant sur la question de la sécurité alimentaire, recueillis parmi les membres du réseau Agriculture paysanne et modernisation (APM)lors de la rencontre de Yaoundé, en septembre 1996. Une version anglaise plus complète de cet article, assortie de statistiques, est disponible auprès de l’auteur : Philippines Food Security Situationer, sept. 1996.
Littérature grise
OCHOA, Cecilia S., Note de travail pour le réseau APM, 1997 (France)
GEYSER (Groupe d’Etudes et de Services pour l’Economie des Ressources) - Rue Grande, 04870 Saint Michel l’Observatoire, FRANCE - France - www.geyser.asso.fr - geyser (@) geyser.asso.fr