Pouvons-nous parler de sécurité alimentaire dans des États troublés, dans des continents où la répression et les instruments coercitifs font la loi au quotidien ?
Les effectifs des déplacés ayant perdu leurs biens à la suite des conflits armés, de même que le nombre de réfugiés, doivent être pris en considération dans toute tentative d’élaboration de stratégies pour la sécurité alimentaire. En effet, déplacés et réfugiés -jadis sujets actifs productifs - deviennent d’un coup des sujets à la merci de la bonne volonté des donateurs des oeuvres caritatives. Leur fournir de l’aide alimentaire est une mesure d’urgence qui, à très court terme, peut assurer la sécurité alimentaire des bénéficiaires. Cette vision non accompagnée par des initiatives d’auto-prise en charge par les bénéficiaires eux-mêmes développe un esprit d’attentiste non favorable à une approche de production. Ils sont plus de 15 millions de réfugiés dans le Monde dont 12 millions dans le Tiers-Monde. Pouvons-nous concevoir la sécurité alimentaire des populations sans envisager la prévention des conflits ?
Le cas de la région des Grands Lacs
Ils sont morts par centaines de milliers au Rwanda et au Burundi. Ils se sont déplacés à l’intérieur de leur propre pays, se sont réfugiés par millions dans la région des Grands Lacs. C’est en fuyant des violents combats que des milliers de Rwandais se sont retrouvés dans les pays voisins. De même, de graves violations des Droits de l’Homme (pas de liberté d’opinion, de s’associer ; droit à la propriété privée, droit à la vie,...)dans les deux pays, contraignent les citoyens Rwandais et Burundais à vivre continuellement sous la hantise du désastre ou à chercher refuge à l’extérieur de leur patrie. Actuellement, on dénombre des millions de réfugiés issus de la région des Grands Lacs dont un million et demi campés à l’Est du Zaïre (Nord et Sud-Kivu). Cette zone accueillante, elle-même surpeuplée (plus de 200 habitants au km2)est débordée. Son équilibre écologique et sa sécurité alimentaire, déjà fragiles avant l’arrivée des réfugiés, se détériore chaque jour davantage. Il faut donc mettre un terme aux origines de cette insécurité alimentaire dans la région, notamment par l’ouverture au dialogue avec toutes les personnes concernées. La sécurité physique et morale des citoyens reste garante d’une recherche de plus de disponibilités alimentaires.
Les statistiques révèlent la tendance à la baisse des disponibilités alimentaires dans la région des Grands Lacs. Au Rwanda, des études ont montré que la mise en valeur de la seule vallée de la Nyabarongo et d’une partie de l’Akagera suffirait pour nourrir tous les Rwandais et dégager des excédents exportables chez les voisins. Or, les ex-déplacés au Rwanda, de même que les nouveaux arrivants et rapatriés, attendent toujours l’assistance alimentaire en provenance de l’étranger. Aucune priorité d’action n’est réservée à l’exploitation intensive des terres de la Nyabarongo (une des grandes rivières du pays), laquelle exploitation permettrait également de constituer des stocks alimentaires.
Au Zaïre, des grandes étendues de terre très fertile sont encore en friche et aucune mesure d’accroissement de la production et de desserte (voies de communication)de ces zones n’est envisagée. Oui, des initiatives paysannes sont menées pour désenclaver la région, mais elles sont très limitées là où l’action nécessite de gros moyens.
La région des Grands Lacs, actuellement faible en aliments disponibles, a des potentialités de production non valorisées. Là encore, il faut un environnement favorable, une stabilité politique et une sécurité pour que des projets de développement, de mise en valeur des ressources aient l’essor socio-économique attendu.
A titre d’exemple, les multiples projets de production de la pomme de terre (dans les préfectures de Gisenyi, de Byumba et de Gikongoro), d’élevage et de transformation des produits laitiers se sont vite effondrés avec la guerre. Leur reprise prend du temps et les investisseurs s’aventurent à peine dans cette région où ils ne sont pas assurés que la paix soit revenue pour des années.
Le niveau de vie en Afrique est influencé par la stabilité politique du pays. Plus l’État est politiquement stable, mieux les citoyens s’adonnent à améliorer leur situation et s’investissent dans des actions à moyen et à long terme. Les conflits tribaux et politiques créent l’insécurité alimentaire qui frappe aussi bien les nationaux que les citoyens du reste du Monde appelés par solidarité à intervenir.
Éléments de propositions
a- Création d’un observatoire de la gouvernance ayant pour objectif de prévenir les conflits.
b- Constitution des greniers nationaux et régionaux.
c- Renforcement des associations paysannes.
d- Lobbying pour éviter toute forme d’exclusion sociale.
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, Rwanda
Ce texte fait partie d’une série de cas portant sur la question de la sécurité alimentaire, recueillis parmi les membres du réseau Agriculture paysanne et modernisation (APM)lors de la rencontre de Yaoundé, en septembre 1996. Cet article a été écrit avant le déclenchement du conflit dans l’est du Zaïre et la résorption des camps de réfugiés de la zone. Une version plus complète est disponible en version française auprès de l’auteur (c/o APM, BP 10018, Yaoundé, Cameroun)
Littérature grise
NYIRANZABANDORA, Thérèse, Note de travail pour le réseau APM, 1997 (France)
GEYSER (Groupe d’Etudes et de Services pour l’Economie des Ressources) - Rue Grande, 04870 Saint Michel l’Observatoire, FRANCE - France - www.geyser.asso.fr - geyser (@) geyser.asso.fr