04 / 1997
Depuis la libéralisation et l’entrée de la Guinée dans l’économie de marché, d’importantes réformes ont été entreprises dans le pays. Dans le secteur agricole, elles se sont manifestées par une restructuration des services agricoles, le désengagement de l’État du secteur productif et la mise en place d’une politique de décentralisation devant permettre de responsabiliser davantage les producteurs et favoriser le secteur privé.
Dans cette optique, l’agriculture a été identifiée comme prioritaire dans la relance de l’économie nationale. Les raisons de ce choix tiennent notamment à l’importance de la population agricole (80 % de la population nationale), à un potentiel de terres cultivables de 6 millions d’hectares dont 1,2 millions seulement sont cultivés, à un climat favorable et à une diversité de situations qui favorise les complémentarités régionales.
Mais le pays connaît également des contraintes, qui sont dues à une agriculture de type traditionnel et itinérant faisant appel à une main d’oeuvre familiale faiblement productive, aux stratégies individuelles des producteurs tournées vers l’autoconsommation, à un faible accès au crédit, à l’enclavement des zones de production et à un faible niveau d’information sur les opportunités de production et les marchés, et enfin à un environnement économique contraignant.
Afin de stimuler la production, le gouvernement a élaboré un programme d’intervention basé sur la mise en uvre de projets de développement, qui ont bénéficié d’une place importante dans le programme d’investissements publics. Malgré cela, au cours des dernières années, la production vivrière n’a pas augmenté au même rythme que la population (respectivement 2,5 et 2,8 % par an). L’agriculture guinéenne reste encore en deçà des espoirs et des objectifs fixés pour atteindre la sécurité alimentaire.
Mais la politique de libéralisation et d’appui aux initiatives privées poursuivie à travers le processus de décentralisation a permis l’émergence de nombreux groupement et unions de producteurs, qui sont le signe d’un désir des paysans de prendre en charge leurs propres activités.
La structuration du milieu paysan
La pomme de terre a été introduite en Guinée en 1920 mais sa production est longtemps restée très faible. C’est grâce à la mise en place du projet de développement de Timbi-Madina de 1988 à 1992 et à son approche participative qu’a été réalisée une avancée significative de la culture. à ce jour, la production avoisine les 1000 tonnes en contre-saison. Il a fallu pour cela mettre en place des organisations qui ont abouti à la création de la Fédération des producteurs de Fouta en 1992.
Cependant, la Guinée reste importatrice de pomme de terre. Pour préserver la production nationale, une protection douanière a été mise en place grâce à des négociations entre la fédération des producteurs, la Chambre de Commerce et les départements ministériels concernés. En effet, les producteurs guinéens étaient menacés par la concurrence que représentaient les importations de pommes de terre hollandaise. Leur fédération a pu jouer dans ce domaine un rôle d’interface important entre les opérateurs et l’État.
à Timbi Madina en effet, le constat était alarmant face à la mévente d’une partie de la production causée par un afflux de pommes de terre venues d’Europe. La presse nationale a été invitée à visiter la région et à constater les difficultés auxquelles se heurtaient les producteurs contraints de rembourser leurs crédits de campagne.
Forts de ce relais médiatique, les producteurs ont fait pression sur l’État et organisé de multiples rencontres de haut niveau entre les départements ministériels concernés et les opérateurs économiques en vue d’une protection du marché local. La résultante de ces rencontres a donné naissance en 1992 à des accords cadres, signés par des représentants des importateurs de pomme de terre basés à Conakry et la Fédération des producteurs avec l’appui du ministère de l’Agriculture. Ils prévoyaient l’élaboration d’un calendrier de livraison, fixant le volume à fournir par les producteurs et définissaient les prix de vente. à son tour, le gouvernement soutenait l’action grâce à la mise en place des mesures de protection douanière favorisant le bon écoulement des produits nationaux durant une période bien précise, d’avril à juin.
Parallèlement, les efforts des producteurs ont porté sur l’augmentation des rendements, la maîtrise des coûts de production et l’optimisation des circuits de distribution qui peuvent influencer les prix à la consommation.
Ces accords cadres ont fonctionné, non sans difficulté, de 1992 à 1994. Au cours de l’année 1994, un certain nombre de dysfonctionnements sont apparus du fait des importateurs : non respect des prix de vente en gros, refus de payer comptant les producteurs à la livraison, refus d’absorber les volumes prévus par le calendrier préalablement établi...
Cette politique doit pourtant être poursuivie si on désire protéger la production locale. La pomme de terre hollandaise continue en effet d’envahir le marché, ce qui constitue un frein au développement de la production locale.
La politique menée par les pays développés et contrôlée par un nombre limité d’entreprises multinationales se limite à un commerce mondial et empêche les pays en développement de mener une politique alimentaire durable. En particulier, en ce qui concerne certains produits, la politique agricole européenne a un effet négatif sur la sécurité alimentaire. Afin d’éviter les effets négatifs du dumping de ses surplus, l’Union européenne doit mettre un terme aux subventions de ses exportations vers les pays en développement.
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, Guinée
Ce texte fait partie d’une série de cas portant sur la question de la sécurité alimentaire, recueillis parmi les membres du réseau Agriculture paysanne et modernisation (APM)lors de la rencontre de Yaoundé, en septembre 1996. Une version complète de cet article est disponible en version française auprès du Réseau APM GuinéeConakry (BP 71, Kindia, Guinée Conakry).
Littérature grise
Réseau APM Guinée Conakry, Note de travail pour le réseau APM
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