A côté des initiatives de l’État en matière de sécurité alimentaire, existent des initiatives des organisations paysannes, appelées banques de céréales ou greniers communautaires. Suite à la sécheresse de 1985 qui a provoqué une famine sur l’ensemble du territoire, des initiatives locales de création des stocks sont apparues dans la zone méridionale et ont bénéficié de l’appui des ONG sous forme de subvention des magasins villageois et stockage et de formation à la gestion des stocks.
L’exemple le plus réussi se trouve chez les Moundang du canton de Lagon, regroupés dans une association villageoise cantonale. La forte cohésion sociale de l’ethnie Moundang a permis une généralisation rapide de l’expérience à tous les villages.
Du village à la région : l’action s’élargit
Lors de la création d’un grenier communautaire, les adhérents déposent auprès d’un comité une quantité de céréales pour constituer le stock initial. Celle-ci est non fixe et non remboursable. Avec les premières pluies, lorsque la pénurie de céréales s’installe, ce stock est divisé en quatre parties :
- la première est distribuée aux plus nécessiteux du village ;
- la seconde est prêtée aux membres avec un intérêt en nature de 30 % à la récolte, les quantités prêtées étant proportionnelles à la récolte et ne tiennent pas compte de leur quote-part à la création du grenier ;
- après que les membres aient emprunté ce qui leur était indispensable, une partie du reste est mis en vente auprès de tous les villageois, membres et non-membres. Le prix est cependant inférieur au cours du marché pour les membres ;
- enfin, la quatrième partie est donnée aux membres du comité de gestion du grenier comme rémunération.
à la longue, les greniers communautaires sont devenus si importants que les surplus des stocks sont affectés à un local plus vaste construit à cet effet et regroupant plusieurs villages : le grenier de secteur. Ce grenier a pour vocation de commercialiser les céréales au-delà du canton. Si le but des greniers communautaires est social, celui des greniers de secteur est économique car ils écoulent leurs stocks sur le marché.
Au cours de la campagne 1993-1994, 125 greniers communautaires du canton de Lagon ont ainsi constitué 7 greniers de secteur et stocké 120 tonnes de céréales pour une population d’environ 43 000 habitants répartis dans 80 villages.
Les greniers de secteur font aujourd’hui des stocks en tenant compte de la situation alimentaire, non pas des villages mais de la région, et sont dotés de réserves financières importantes pouvant permettre le ravitaillement de zones éloignées les années où existe un risque de sécheresse. Depuis la création des greniers communautaires, les paysans ne connaissent plus la famine car ils savent où trouver des céréales et sont sûrs de ne pas en manquer. Cependant, l’exemple de Lagon est difficilement généralisable car il exige une cohésion sociale très grande et un contrôle efficient de la société sur ses membres.
Les problèmes rencontrés à l’heure actuelle sont de deux ordres :
- à cause des taxes sur la circulation des céréales et autres tracasseries administratives, les organisations paysannes ne peuvent pas commercialiser elles-mêmes leurs céréales en dehors de leurs zones. Elles doivent attendre que les acheteurs des zones déficitaires viennent eux-mêmes en acheter. Dans le règlement intérieur des organisations, il leur est interdit de vendre aux commerçants, ce qui engendre des difficultés d’écoulement des céréales lorsque la production agricole est bonne.
- des quantités appréciables de céréales (environ 20 %)sont perdues chaque année à cause de la mauvaise conservation. à l’heure actuelle, le traitement se fait avec la décoction de feuilles de neem dans laquelle on trempe les sacs, l’organisation refusant de traiter les stocks avec des produits vendus sur le marché de façon anarchique et qu’elle estime trop dangereux. Cette méthode n’est efficace que si elle est répétée chaque année.
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, Tchad
Ce texte fait partie d’une série de cas portant sur la question de la sécurité alimentaire, recueillis parmi les membres du réseau Agriculture paysanne et modernisation (APM)lors de la rencontre de Yaoundé, en septembre 1996. Une version complète de cet article, incluant une présentation générale de la situation tchadienne, est disponible en version française auprès du réseau APM Tchad(Kolyang Palebele, s/c SAIDL-Maroua, BP 539, Maroua, Cameroun)
Littérature grise
KOLYANG, Palebele; LAOKISSAM, Nissala; NGOLSOU, Pierre, Note de travail pour le réseau APM, 1997 (France)
GEYSER (Groupe d’Etudes et de Services pour l’Economie des Ressources) - Rue Grande, 04870 Saint Michel l’Observatoire, FRANCE - France - www.geyser.asso.fr - geyser (@) geyser.asso.fr