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A propos du droit international... à communiquer

Knut SVENDSEN

10 / 1995

Jusqu’à quel point le droit international défend-il ou brime-t-il le droit à la communication? Il ne fait aucun doute que le droit de participer au processus de communication est au coeur du droit à la communication. Inutile de parler de l’évolution d’un système politique démocratique si les électeurs n’ont pas accès aux moyens de communications. Le public doit donc participer directement à la mise en place des politiques d’information et de communication. Pourtant, de nos jours, le droit international se concentre plus sur les droits humains que sur les questions économiques et, partant de là, que sur les droits politiques.

Quant au droit à la communication, rien ne garantit d’avoir individuellement voix au chapitre. Les États nations s’entendent en principe pour bannir toute propagande de guerre, tout discours raciste ou sexiste. Mais ces règles concernent le plus souvent l’ensemble des mass media. Basée sur la liberté de circulation de l’information (interterritoriale et interculturelle), cette doctrine ne fait que garantir à ceux qui sont capables de produire un message la possibilité de distribuer et de vendre librement l’information.

Quatre documents constituent la Déclaration internationale sur les droits humains. Or, deux des plus grandes critiques qu’on puisse faire à la philosophie qui imprègne les conventions sur les droits humains, c’est que, premièrement, la contrainte pèse sur les droits individuels et non sur les droits collectifs et que, deuxièmement, on ne cherche pas à garantir le droit des particuliers ou des groupes à produire de l’information. N’est mis de l’avant que le droit d’aller chercher ou de recevoir une information déjà existante. Cette philosophie du transfert de l’information remonte à la fondation des Nations Unies.

La loi sur les communications internationales énonce treize principes couramment acceptés, les voici :

1. On n’utilisera pas les médias de communications pour inciter à la guerre ou à l’agression.

2. On ne les utilisera pas non plus pour intervenir dans les affaires intérieures d’un autre État.

3. Toute propagande haineuse, basée sur la supériorité d’une race ou qui incite à la discrimination raciale sera légalement punie.

4. L’incitation directe et publique à détruire une nation, une ethnie, une race ou un groupe religieux sera également punie par la loi.

5. Tout le monde jouira de droits égaux et pourra choisir ses moyens de communication et d’information.

6. Tous les États sont équitablement maîtres des structures de communication et d’information.

7. Communication et information exigent une coopération à l’échelle planétaire.

(Frederick, H.H. (1992). Global Communication International Relations. Belmont: Wadsworth Publishing Company.)

Au début des années 1980, le débat sur l’information atteindra son apogée dans le fameux rapport MacBride qui faisait la revue critique de l’état des communications internationales. Le document soulevait certaines questions sur la démocratie et le droit de communiquer, qui allait au-delà de l’idéal démocratique de "liberté de parole" et de libre circulation. Telle que définie dans le rapport MacBride, la communication n’est pas un courant à sens unique mais un échange d’information. Quant à l’idéal du Rapport concernant un équilibre dans la circulation de l’information entre le Nord et le Sud, les pays industrialisés lui réserveront un accueil plutôt frais.

Lorsqu’on parle de conceptualiser le droit à la communication il s’agit de trouver comment fusionner les différentes façons de concevoir les droits humains et comment définir un droit à la communication. Le rapport MacBride avance que dans un pays démocratique, le droit, primo, de donner et de recevoir de l’information et, secundo, de participer au réseau public de communication, que ce droit donc est enchâssé dans le droit à la communication. Mais comment aménager ces droits dans un contexte économique où recevoir de l’information coûte cher? Où, qui plus est, le coût pour la diffuser à un grand nombre de personnes est excessif? Là est toute la question.

Le courant de dérégulation des télécommunications et de commercialisation de la télévision, qui balaye et les pays industrialisés et ceux qui le sont moins, lie plus étroitement les communications à l’économie. Dans les pays démocratiques occidentaux, on présume que les droits individuels et ceux des gouvernements pluralistes vont donner des droits politiques à une grande majorité de la population. Mais cette présomption est fausse et la communication ne pourra jamais circuler librement tant et aussi longtemps que les moyens de communication seront contrôlés par les intérêts de l’État ou par des intérêts commerciaux. Autre problème inquiétant, les industries de l’information et de la technologie tendent systématiquement à faire partie de monopoles. Si la circulation de l’information à l’échelle planétaire est contrôlée par une poignée de multinationales, à quoi bon discuter du droit à la communication? Pour que ce droit existe vraiment, il faut mettre en place d’autres structures d’information, avec des réseaux d’information nationaux et mondiaux qui nous appartiendront. Dans le monde où nous vivons, un véritable droit à la communication passe obligatoirement par l’universalité de l’accès aux moyens de communication.

En réalité, de nos jours, ce sont des barrières politiques et économiques qui empêchent d’accéder à la communication de masse. Ni les individus, ni les États souverains ne sont sur un pied d’égalité dans ce domaine. Si l’on veut développer un concept général qui défende ce fameux droit, il faudra aussi se demander comment on peut aplanir, ou éviter, les obstacles structuraux qui empêchent la communication. Le droit international est limitatif puisque les lois ne garantissent pas l’accès équitable et universel aux moyens de communication (de masse). Il est limitatif dans la mesure où le système international ne dispose d’aucun mécanisme pour faire respecter les lois et les accords internationaux.

Évidemment, on peut toujours passer par les Nations Unies et ses organismes spécialisés pour faire inscrire le droit à la communication dans les conventions sur les droits humains. Mais un individu ou une population pourra-t-elle communiquer plus facilement pour autant? On voit mal comment les groupes défavorisés auraient un meilleur accès aux moyens de communications sans que la communauté mondiale ne vienne leur prêter main-forte. Pour mettre ce droit en place, il faudrait d’abord que praticiens et chercheurs qui oeuvrent en communication ajustent leurs flûtes. Qu’ils s’entendent sur le fait que le droit à la communication est le prochain pas à franchir dans la législation des droits humains. Mais ce consensus n’est pas pour demain. Bien des gouvernements et des médias privés s’y opposeront farouchement. Chose certaine, la communication démocratique doit devenir partie intégrante de la réalité politique. Tel est l’enjeu de la lutte à mener.

Mots-clés

communication, processus de démocratisation


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Notes

Article est basé sur un autre article publié dans Media Development(2/1995)Vol. XLII).

Knut Svendsen

Uelandsgt. 61, oppg.i

0460 Oslo, Norvège

knut.svendsen@tf.telenor.no

Voir trad. en esp.et en angl. dans la base de données.

Source

Articles et dossiers

Videazimut, DÉFENDRE LE DROIT DE COMMUNIQUER in. Clips, 1995 (Canada), 9

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