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Le recours au référendum d’autodétermination des peuples, un moyen pacifique de régler des conflits ethniques ou nationalistes

Claudio CRATCHLEY

04 / 1998

La pratique de consulter la population des territoires susceptibles d’être cédés, annexés ou démembrés se manifeste réellement pour la première fois sous la Révolution française, en 1790, lors de l’annexion demandée par les intéressés eux-mêmes d’Avignon et le comptât Venaissin. Le plébiscite en droit international connaît un grand essor au cours du XIXe siècle, avec le développement du principe des nationalités en France et en Italie. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, en accord avec le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes soutenu par le président Wilson, une dizaine de plébiscites furent organisés par les traités de paix. Cependant, durant la même période, bon nombre de mutations territoriales ne donnèrent lieu à aucune consultation électorale, et, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le plébiscite ne sera guère utilisé. Le référendum connaît un renouveau avec l’affirmation du droit à l’autodétermination des peuples coloniaux, notamment dans le cadre de l’ONU. Mais il faut constater que les principales mutations territoriales postérieures à la décolonisation ont ignoré totalement le référendum (réunification des deux Yémen, de l’Allemagne ; éclatement de l’URSS, de la Yougoslavie et de la Tchécoslovaquie).

En réalité, il n’y a jamais eu d’adhésion générale au plébiscite, et ses fondements en droit international public restent incertains. Ceci parce que le droit à l’autodétermination des peuples dont il est censé consacrer l’exercice est lui-même sujet à certaines incertitudes : il n’y a pas de critères objectifs permettant de déterminer les titulaires de ce droit. Il n’est pas non plus établi que le référendum soit le seul moyen par lequel un peuple doit décider de son statut. Enfin, le droit international ne règle guère la question de la délimitation du territoire à plébisciter ni de la composition du corps électoral.

Le référendum d’autodétermination trouve en revanche de solides assises dans le droit français. La France est le pays qui a le plus recouru au plébiscite d’autodétermination (plus d’une vingtaine de fois depuis la Révolution de 1789, dont plus de dix sous la Ve République). Cependant, si elle est depuis toujours favorable au plébiscite d’annexion, la France n’a adhéré au plébiscite de sécession que depuis l’arrivée au pouvoir de de Gaulle. La France, s’en tenant à une conception volontariste du droit international, a toujours rejeté une conception objectiviste du plébiscite : tous les référendums auxquels le pays a procédé depuis 1946 ont été décidés en vertu de dispositions constitutionnelles, et non de principes élaborés par l’ONU.

Mots-clés

autodétermination des peuples, droits des peuples, droit international, minorité nationale, décolonisation, élection, identité nationale


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Commentaire

Le fait que le droit à l’autodétermination peut être en contradiction avec d’autres principes bien admis par le droit international fait que le recours au référendum reste l’exception et non la règle. Il est perçu par certains comme un facteur subversif appelant au démembrement des États établis si la population du pays n’est pas homogène du point de vue ethnique ou linguistique. D’où le consensus, notamment à l’ONU, pour considérer que le droit des peuples à l’indépendance s’efface une fois celle-ci obtenue dans le cadre de la décolonisation. Et pourtant, le recours au référendum d’autodétermination constitue le seul moyen réellement pacifique pour régler des conflits ethniques et nationalistes qui, comme dans les Balkans ou le Caucase, sont le résultat de frontières héritées qui ne correspondent que très approximativement à la répartition des populations. Sans ce moyen démocratique, le seul choix laissé aux minorités nationales ou ethniques qui manifestement n’ont nullement le désir de continuer à rester sous la tutelle d’un État qu’elles ne considèrent pas comme le sien, est la résignation ou la violence.

Notes

C.Cratchley est un sociologue chilien, spécialiste des questions touchant les minorités ethniques.

Source

Articles et dossiers

COBELLE, Jean François, Référendum et droit à l'autodétermination, Seuil in. Pouvoirs, 1996 (France), 77

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