Un débat organisé par l’observatoire géopolitique des drogues
07 / 1998
Dans les médias européens, l’information sur les problèmes de la drogue véhicule généralement des simplifications, des approximations et parfois même des préjugés, qui constituent autant d’obstacles à l’adoption des politiques de prévention de la toxicomanie ainsi qu’à la mise en place de politiques économiques alternatives à l’égard des pays producteurs. Les multiples facettes du sujet - production, consommation, blanchiment, relations internationales - doivent être traitées ensemble pour pouvoir répondre à la question essentielle : le combat contre l’abus des drogues est-il bien le sujet d’une politique concrète, dont le suivi est un devoir d’information pour les gouvernants et un droit à être informés pour les citoyens?
Pour le directeur de l’Office central de répression du trafic illicite des stupéfiants, l’action de la presse interfère directement avec l’action du policier. En ce sens elle ne peut être ignorée. La police est même obligée de communiquer pour canaliser l’information et protéger les personnes en cause. La course au scoop et l’absence de réflexion en profondeur peuvent également gêner l’action de la police. Les pressions diplomatiques s’exercent aussi bien sur la presse que sur la police. Ainsi lors d’une saisie de cannabis en Espagne, l’origine marocaine de la drogue est rarement évoquée, de même des ministres pakistanais impliqués dans le trafic de drogue ne seront pas inquiétés lors d’une visite en France à cause des enjeux financiers liés à la vente d’armes au Pakistan.
Le procureur général de canton de Genève illustre le vécu de terrain d’un magistrat. Au niveau législatif, le parquet de Genève dispose depuis 1990 d’une norme sur le blanchiment, qui lui permet de traiter les dossiers concernant la dernière partie du lavage de l’argent. En effet, la Suisse de par sa situation et par la qualité de ses services financiers et bancaires reçoit l’argent déjà lavé, produit de trafics de drogues commis à l’étranger. Les appuis logistiques font par contre grandement défaut. La Suisse de par son système fédéraliste compte vingt six codes différents de procédure pénale, et deux niveaux judiciaires, le niveau cantonal et le niveau fédéral. Ces barrières nationales sont un handicap incontournables pour la justice mais deviennent un abris pour les trafiquants. Autre difficulté le secteur parabancaire qui contrairement au secteur bancaire n’est pas du tout réglementé. Compte tenu de ses faiblesses au niveau logistique, les relations avec la presse sont essentielles. Les journalistes sont avec les banques ceux qui ont le plus d’informations. Ils ont accès à des archives dont ne disposent pas les services policiers ou les magistrats. La collaboration des banques au niveau financier et celle de la presse en matière d’information permettrait le maximum d’efficacité.
Le docteur Claude Olievenstein, directeur du centre Marmottan situe la prévention à trois niveaux. La prévention primaire qui doit protéger la société contre un certain nombre de phénomènes qui la mettent en danger - le chômage, le racisme, le problème de l’immigration ... - Ces phénomènes conduisent à une acculturation des citoyens, c’est à dire à l’impossibilité pour eux de maîtriser les capacités fournies par les sciences modernes. La prévention secondaire consiste à éviter, lorsqu’une partie de la société est contaminée, que le reste ne le soit. Elle exige qu’on apprenne aux jeunes à devenir des citoyens et à faire des choix. Cela passe par l’éducation civique, non par des interdits. La prévention tertiaire consiste à organiser l’accueil des gens contaminés et à leur donner la possibilité de sortir de la toxicomanie et de redevenir des citoyens. En ce sens Claude Olievenstein est plutôt contre la substitution - méthadone, subutex - car elle transforme les gens en infirmes médico-légaux. Il propose d’organiser les Etats généraux de la jeunesse afin d’ouvrir un véritable débat en utilisant les médias, notamment au sujet de la légalisation ou la non légalisation des produits stupéfiants.
L’observatoire géopolitique des drogues a rencontré des problèmes de relation avec la presse sur plusieurs de ses thèmes de travail. Concernant la situation des cultivateurs de cannabis, de pavot et de cocaier, qui sont le maillon le plus vulnérable de la chaîne des drogues, le rôle de la presse serait de mieux informer l’opinion afin de faire pression sur les gouvernements des pays riches pour qu’ils favorisent la mise en place de politiques alternatives. Les programmes d’ajustement structurel administrés par les organisations financières internationales dans les pays du Tiers monde ont comme effet pervers de stimuler les productions illicites. Mais cette problématique est très peu envisagée dans la presse internationale. Enfin l’attitude ambiguë des pays riches vis à vis de la drogue est un fait complètement ignoré du grand public. D’une part ils dénoncent ce trafic comme principal fléau menaçant l’humanité et ils déclarent lui livrer une guerre sans merci, d’autre part ils privilégient leurs intérêts économiques et géostratégiques dès que ceux-ci entrent en conflit avec les problèmes de drogue.
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, France,
Livre
OGD=OBSERVATOIRE GEOPOLITIQUE DES DROGUES, Les médias face à la drogue : un débat organisé par l'observatoire géopolitique des drogues, FPH in. Dossier pour un débat, 1997 (France), n° 76
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