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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Etats désengagés, paysans engagés

Perspectives et nouveaux rôles des organisations paysannes en Afrique et en Amérique latine

J.P. TRANCHANT

07 / 1998

Cette réflexion s’appuie sur sept études de cas réalisées dans le cadre de la recherche-action animée par le CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement)et sur six autres exemples d’organisations paysannes en Afrique et en Amérique latine.

L’émergence d’une organisation est toujours liée à une perturbation dans l’environnement de la société locale. Il s’agit dans la plupart des cas d’une perturbation d’ordre économique, mais il peut s’agir aussi de perturbation de type écologique (sécheresse)ou d’une modification volontariste des systèmes de production par une intervention extérieure. Cette perturbation suscitera une réaction en termes d’action collective uniquement lorsque des leaders apparaissent au sein de la société locale et lorsque ceux-ci sont capables de trouver des alliés. Les conflits avec l’extérieur ont un effet structurant et renforcent la mobilisation des adhérents. Cela conduit à une organisation.

Selon les organisations on peut distinguer quatre types d’objectifs:

- assurer une ou plusieurs fonctions techniques et économiques d’appui à la production (approvisionnement, crédit, commercialisation, conseil).

- prendre en charge un produit, une filière dans ses différents aspects.

- travailler à la promotion collective, notamment dans les aspects économiques, sociaux, culturels, éducatifs ...

- enfin, viser à la réalisation d’objectifs multiples (techniques, sectoriels, productifs ou socioculturels).

Certaines organisations avaient une orientation multifonctionnelle dès leur origine, mais dans les années 80, suite à la vague libérale on assiste à un élargissement du rôle des organisations afin de combler le vide laissé par l’État.

Dans leur fonctionnement et leur organisation interne, les organisations paysannes doivent faire face à plusieurs problèmes: la place et le rôle des jeunes, la communication interne, la démocratie, la participation et la formation de leur membres. Trois voies d’amélioration peuvent être envisager:

- la voie interne, notamment par l’accroissement de la transparence concernant la gestion des ressources collectives et l’adoption d’un règlement organisant la discipline des membres.

- la voie fédérative pour accroître la viabilité économique de l’ensemble des organisations tout en contrôlant la viabilité sociale de chacune d’elles.

- la voie externe (assistance d’organismes d’appui, tutelle d’organismes publics ou encore intégration des organisations dans un mouvement social plus vaste).

Dans tous les cas, il s’agit d’améliorer la confiance des membres entre eux et envers leur organisation, et donc aussi envers leurs dirigeants.

A la différence des organisations communautaires traditionnelles, les nouvelles organisations paysannes ont pour fonction essentielle non pas de réguler les relations internes aux groupes de paysans mais d’organiser leurs relations avec l’extérieur. Les paysans en tirent deux types d’avantages: soit des avantages produits directement par leur organisation et leur coopérative, tels qu’économie d’échelle dans leurs opérations ou accroissement de leur pouvoir de négociation; soit des avantages ou privilèges reçus, c’est à dire accordés par les acteurs dominants, tels que subventions, crédits préférentiels, dégrèvement fiscaux ou garanties de commercialisation. Mais le critère essentiel de réussite dans l’action des organisations paysannes à l’égard de l’extérieur est moins l’obtention de tel ou tel avantage économique que l’accroissement de leur capacité de peser sur les choix de société qui les concernent dans les domaines économique, politique et culturel.

Ainsi les organisations paysannes sont amenées à s’interroger sur l’avenir de la société rurale et à définir progressivement un projet plus large qui concerne parfois la société globale. Tous les mouvements récents (campagne contre la faim au Brésil, mouvement indigène, ou mouvement du Chiapas)posent des questions sur le modèle de développement dominant et trouvent un écho dans la société en dehors des paysans. Le mouvement paysan ne peut se donner comme seule finalité l’intégration des paysans au marché sans se préoccuper du modèle de développement car sa réussite ne concernera alors que certains types de paysans. Par contre s’il devient un mouvement social qui lutte pour changer le modèle de développement, s’il s’allie à d’autres catégories sociales, les choses peuvent être différentes.

Face aux changements rapides et violents qui s’opèrent au niveau mondial, les organisations paysannes sont parfois démunies et les réponses qu’elles apportent sont parfois partielles et modestes en regard aux défis posés. Elles ont donc besoin d’appuis pour analyser les changements en cours et adapter leurs pratiques aux nouvelles situations. Cependant ces appuis doivent se démarquer d’un certain paternalisme, ils doivent être conçus comme un accompagnement et s’inscrire dans la durée.

Mots-clés

organisation paysanne, rôle de l’Etat, organisation communautaire, pouvoir, société civile, participation paysanne, organisation syndicale, désengagement de l’Etat, mouvement social


, Amérique Latine, Afrique, France

Commentaire

Ce dossier concentre beaucoup de vécu à travers les nombreuses expériences qui y sont relatées. L’approche théorique et l’intellectualisation d’une démarche paysanne semblent bien loin des aspirations de la base, mais on y trouve une vision d’ensemble et un riche comparatif des différentes expériences.

Source

Livre

CIRAD, États désengagés, paysans engagésPerspectives et nouveaux rôles des organisations paysannes en Afrique et en Amérique latine, FPH in. Dossier pour un débat, 1997 (France), n° 75

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