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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Politiques publiques et citoyenneté face aux nouvelles formes d’exclusion

Débat sur la loi cadre contre l’exclusion en France

Jean Christophe LALLEMENT

07 / 1998

Début 1995, le gouvernement français annonçait un projet de loi cadre contre l’exclusion, en accord avec les engagements de la campagne présidentielle. La Fondation pour le Progrès de l’Homme a alors pris l’initiative de réunir quelques partenaires et amis afin de réfléchir aux orientations qui pouvaient inspirer la loi cadre. Dans la foulée ont été organisées des journées de travail animées par des professionnels et des militants concernés par la lutte contre l’exclusion. Sous cette publication sont regroupées les synthèses de ces journées qui s’articulent autour de huit propositions dont la teneur est inspirée de ce qui fut retenu en matière d’enjeu et de priorités pour la loi cadre contre l’exclusion.

Du point de vue de l’ensemble des participants, la pauvreté de masse s’est développée au travers d’une transformation radicale et irréversible de la société dans un contexte d’augmentation continue des richesses, imputable à l’amélioration de la compétitivité de l’économie. Ainsi, il est désormais évident que la croissance économique ne suffit plus à garantir le bien-être collectif et que la précarité concerne toutes les catégories sociales. Les inégalités que sécrète notre système socio-économique menacent toujours davantage la solidarité et les protections collectives. D’autre part, la répartition des richesses et des statuts, plus que jamais inégalitaire, bafoue la dignité des précaires et de tous ceux que la société marginalise.

Face à ces enjeux, les politiques publiques contre l’exclusion mises en place à ce jour ont montré leur insuffisances voire leurs effets pervers. Institutionnalisés, les dispositifs d’insertion n’ont pas su tenir compte des phénomènes qui génèrent l’exclusion et de ce fait ont eu la fâcheuse tendance d’enfermer les "bénéficiaires" dans des statuts d’exception incompatibles avec les conditions d’une insertion rapide et durable. Actions politiques d’urgence sous la pression de l’opinion et donc trop souvent démagogiques; manque de continuité dans les mesures décrétées par les gouvernements successifs; actions publiques sans évaluation préalable; opacité des dispositifs administratifs sont autant de facteurs qui ont concouru à généraliser la dépendance vis à vis de services sociaux dans une logique d’assistance néfaste aux capacités et initiatives tant des individus concernées que des associations de terrain.

Afin donc d’alimenter le débat sur la loi cadre, huit propositions ont été soumises et détaillées :

1)Développer une économie solidaire et plurielle afin de réconcilier emploi et cohésion sociale en mobilisant localement les ressources marchandes, non marchandes et non monétaires dont la combinaison permettrait de rompre la dualité croissante entre économique et social. Ces mesures doivent s’accompagner d’une politique ambitieuse et innovante d’aménagement du temps de travail couplée à une politique du temps libéré qui aboutissent à la création d’emplois et à l’organisation collective du temps libre vers la participation à l’espace public et aux activités citoyennes.

2)Recréer la cohésion sociale au niveau local et malgré la mondialisation de l’économie, car c’est au niveau local que se structure concrètement la vie sociale. En ce sens, garantir et clarifier le rôle de l’État; développer le partenariat entre les différents acteurs socio-économiques; redéployer les moyens selon un principe de subsidiarité active et veiller à la stricte transparence des transferts financiers, constituent autant de moyens pour promouvoir la citoyenneté au niveau local et dans la lutte contre l’exclusion.

3)le respect des droits fondamentaux de précaires doit être assuré notamment grâce à un meilleur accès de chacun aux services publics, ce qui implique une évolution du fonctionnement des administrations dont l’opacité interdit trop souvent aux exclus de faire valoir leurs droits.

4)Etre à l’écoute des plus démunis et développer la connaissance mutuelle en créant de nouvelles formes et de nouveaux espaces d’expression, de participation et de représentation de ces populations afin de promouvoir un dialogue constructif entre les différents groupes sociaux et contre les mécanismes de précarisation.

5)Créer collectivement les liens sociaux et favoriser l’autonomie individuelle pour faire de la lutte contre l’exclusion l’affaire de tous.

6)Favoriser l’innovation sociale en organisant, moyens financiers à la clé, la représentation et la participation des chômeurs et précaires dans les institutions et associations. Cela implique de reconnaître et de favoriser l’émergence de nouveaux acteurs sociaux jusqu’alors mésestimés et de réformer radicalement les modalités de l’action publique.

7)Faire du logement un enjeu principal. Le droit à l’habitat doit être reconnu comme un facteur essentiel de citoyenneté et donc s’intégrer dans le champs de l’action sociale.

8)Le dialogue entre jeunes et adultes, clé pour la transformation de la société, constitue un enjeu essentiel pour l’avenir. Sont donc prioritaires la lutte contre la précarité de l’emploi des jeunes et le rôle que l’Éducation Nationale doit jouer dans leur intégration dans la société. La formation professionnelle et citoyenne de la jeunesse ne doit toutefois pas être seulement l’affaire de l’école mais de l’ensemble de la société. Il s’agit donc de renforcer la représentation des jeunes dans les instances de décision aux niveaux local et national et de promouvoir les lieux de rencontres entre générations afin de partager le savoir et l’apprentissage de la citoyenneté.

Mots-clés

lutte contre l’exclusion, politique sociale, chômage, conséquences de la mondialisation, pauvreté, exclusion par l’économique, exclusion sociale, politique de l’emploi, lutte contre le chômage, économie solidaire, cohésion sociale, rôle de l’Etat, éducation à la citoyenneté, droit au logement


, France

Source

Livre

AMOUROUX, Philippe; FRAISSE, Laurent, sous la dir. de, Politiques publiques et citoyenneté face aux nouvelles formes d'exclusion.Débat sur la loi cadre contre l'exclusion en France., FPH in. Dossier pour un débat, 1996 (France), N° 65

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