07 / 1998
Le 500ème anniversaire de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb fut un bon prétexte pour relancer le débat sur la survie des cultures amérindiennes. Cinq siècles de domination européenne ont laminé ce patrimoine culturel et conduit ces peuples à la marginalité et la misère, depuis les conquistadores jusque et y compris la politique de développement et de globalisation inaugurée par le président Harry Truman en 1949. Rétrospectivement, les dégâts causés par cette politique s’avèrent aussi dramatiques qu’incalculables. Des projets destinés au développement de ces communautés se sont multipliés, leur imposant des modernisations forcées, incohérentes et hors contexte, qui finirent de désagréger les structures traditionnelles sans rien laisser en échange, sinon de faire exploser l’exode rural et convertir des milliers d’indigènes en parias urbains. Mais 1992 portait les germes d’un changement vers la reconnaissance des droits des peuples autochtones par l’Organisation des Nations Unies. 1993 inaugura la période 1994-2004 décennie internationale des peuples autochtones, corollaire du processus de discussion du projet de déclaration des droits des peuples indigènes. Dans cette optique s’inscrit l’action de Tradition pour Demain, réseau d’organisations non gouvernementales qui s’interroge sur l’amplitude des moyens qui seront mis en ouvre pour concrétiser les intentions exprimées, et milite pour que les mesures engagées apportent de réels bénéfices aux populations concernées. Car puisque le Sommet de Rio a reconnu le savoir global et précis accumulé de génération en génération par les indigènes au regard de leur biotope, les institutions doivent admettre la pertinence de ce savoir traditionnel notamment en matière de gestion des ressources. Au reste, basée sur le constat d’une sombre et inquiétante réalité, la conviction devient de plus en plus unanime que l’avenir et la survie des peuples indigènes résident entre leurs mains. Ceux-ci, entre-temps, ne restent pas inactifs et des processus endogènes d’organisation, de formation et de participation ne cessent de progresser et se diversifier. Traditions pour Demain se préoccupe depuis sa création d’être à l’écoute des communautés indigènes amérindiennes qui, de plus en plus nombreuses, la sollicitent pour un soutien aux processus endogènes de revitalisation culturelle. Dans le cadre de ces coopérations, la mise en place des actions s’établit dans le respect de la diversité et de la dignité des populations intéressées qui doivent demeurer responsables de leurs initiatives et des moyens d’assurer par eux-mêmes l’autogestion des processus engagés. La priorité donnée aux facteurs culturels écarte l’idée de réponses simples à des problèmes complexes. Elle permet toutefois de ne pas tomber dans les égarements dont ont souffert tant d’idées généreuses ou techniquement très au point qui, dans la pratique, se sont heurtées aux incontournables réalités résultant de la nature même de leurs contextes d’application. Les initiatives de partenariat dans lesquelles Tradition pour Demain s’est engagée sont d’envergures modestes mais concrètes et très diverses. Elles sont dans tous les cas proposées sur le terrain par les acteurs eux-mêmes aux représentants de l’organisation.
Cet ouvrage s’inscrit dans le cadre de ce partenariat et propose d’élargir le débat à ceux qui d’ordinaire en sont exclus et que par ce biais ils puissent exprimer leur réflexion et consolider leurs capacités à être les acteurs de leur propre avenir. Onze témoignages spontanés, oraux ou écrits, sont ici exposés. Des acteurs expriment dans leur diversité les actions engagées, le plus souvent sans antécédents, et la volonté de démontrer leur capacité de s’assumer dans leur identité et leur dignité, pour eux-mêmes et le reste du monde. Exemple, au sud du Chili, les familles Huilliches de l’île de Chiloé, économiquement et culturellement marginalisées et dont l’espace vital a été constamment réduit par l’exploitation industrielle des réserves naturelles, forestières et marines. Cette communauté puise dans les traditions de son passé pour tenter de sauver sa condition indigène. En accord avec la loi qui, si elle était appliquée, devrait lui garantir la propriété de terres jadis usurpées, et avec l’appui de certains politiciens, la communauté Huilliche de Chiloé a su déjà se rassembler autour d’une autorité politique traditionnelle, le Conseil Général des Caciques. Dès lors, par son intermédiaire, les huilliches ont entrepris la lutte pour recouvrer leurs terres et affirmer leur droit à vivre selon leurs traditions indigènes. Dans cette lutte s’élargit la représentativité et grandit la force du Conseil général des Caciques qui, soucieux de la perte de l’héritage culturel de son peuple et surtout de sa langue, a entrepris sans soutien extérieur de relancer activement l’enseignement de la langue Huilliche dans les écoles de la communauté. Ce programme d’enseignement connaît un franc succès depuis son lancement en 1992. Deux acteurs de ce projet témoignent de leurs expériences, décrivent avec candeur la lutte et les convictions de leur peuple au long de son histoire et comment il semble retrouver, par la reconquête de la Langue Mère, les chants, les jeux, les gestes qui ont rythmé la vie de leurs ancêtres. L’espoir est ainsi permis de renouer le lien entre traditions et avenir pour que se perpétue l’histoire des Hommes dans leur naturelle diversité.
minorité ethnique, choc culturel, conflit culturel, aliénation culturelle, développement culturel, droits humains, droits des peuples, savoir traditionnel, valorisation des savoirs traditionnels, langue maternelle
, Amérique Latine, Chili, Chiloé
Livre
HEROLD, G., sous la dir. de, Amérindiens : des traditions pour demain, FPH in. Dossier pour un débat, 1996 (France), n° 71
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