Bien des initiatives ont vu le jour en matière de développement des zones rurales de pays du tiers-monde ces dernières années. Souvent décriées pour leurs maigres résultats, ces actions furent jugées inefficaces et coûteuses par certains agents de développement qui rejetèrent la responsabilité des échecs sur les populations paysannes à qui l’initiative s’adressait, populations dès lors considérées trop incultes et réfractaires aux idées modernes. Mais dans ce débat, d’autres ont supposé que les causes d’échecs étaient à rechercher dans le manque d’adéquation entre projets de développement et besoins réels des populations paysannes concernées.
De cette idée est née une approche alternative qui subordonne les projets de développement à des "enquêtes d’identification des besoins" réalisées sur la base de méthodes participatives. Il s’agissait au préalable de prendre en compte les réalités socioculturelles dans leur humaine complexité. Un dialogue, une rencontre s’imposaient entre les différents acteurs du projet afin d’en tirer un partenariat efficace et solide dans le cadre de l’action engagée.
Une telle rencontre eut lieu à Mgeta, communauté rurale Swahili d’accès difficile, perchée sur les pentes d’un massif montagneux de Tanzanie. Ces paysans luttent pour la survie et afin d’améliorer leur condition par l’agriculture, l’élevage et le petit commerce. Leurs premiers contacts avec le monde moderne remontent au début du XXè siècle et, malgré la nature très contraignante des interventions extérieures, la communauté de Mgeta se montra sélective et n’adopta finalement que ce qui lui convint. Mais, archétype d’une société naïve et conservatrice qu’il fallait changer, redoublèrent les efforts d’organisations, gouvernementales ou non, et différentes mesures furent imposées sous forme de programmes de développement. En vain, car si les paysans de Mgeta fussent aussi naïfs et conservateurs, leur communauté n’eût pas survécu dans ce milieu naturel hostile. Tel fut le préconçu des étudiants et chercheurs de l’Université d’agriculture Sokoine qui, en dix ans de travail avec les paysans de Mgeta ont su analyser les causes de rejet ou d’inadéquation des projets de développement.
Rencontre donc, entre paysans et universitaires, entre savoir académique et sagesse rurale, qui aboutit à la structuration d’un réseau de groupements paysans au niveau local puis national, preuve que ces communautés étaient capables de prendre l’initiative et la responsabilité de leur propre développement. Rencontre tout aussi profitable pour les étudiants et chercheurs qui, au contact de la réalité paysanne, ont appris à pondérer leur idéalisme théorique, preuve du besoin commun et réciproque qui lie l’Université agricole à la société rurale. L’Université devint un lieu de débat et d’action privilégié entre futurs responsables des différents groupements paysans et techniciens et chercheurs.
Un réseau, véritable collectif de groupements paysans, s’est désormais formé en Tanzanie. Informé et concerné par les problématiques nationales et mondiales, il se montre capable de débattre avec le gouvernement ou d’autres institutions pour faire valoir ses points de vue. Dès lors, le développement de ces communautés n’est plus du seul ressort d’experts mais fait appel à des prises de décisions communes combinant le savoir de la société rurale avec les connaissances scientifiques et les possibilités institutionnelles.
Revendiqué par l’Université Sokoine, le concept de développement endogène est à la base de ce processus naissant, fondé sur les capacités locales mais voué à les dépasser. Les auteurs ont décrit ce processus en illustrant leur propos de dizaines de situations vécues par la communauté de Mgeta et dont l’éloquence est appuyée par une élégante iconographie.
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, Tanzanie
Livre
LASALLE, Thierry; MATEE, Amon; NOY, F., La Tanzanie entre tradition et modernité., FPHSYROS, 1996 (France)
GEYSER (Groupe d’Etudes et de Services pour l’Economie des Ressources) - Rue Grande, 04870 Saint Michel l’Observatoire, FRANCE - France - www.geyser.asso.fr - geyser (@) geyser.asso.fr