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Non-violence : éthique et politique

Jean Christophe LALLEMENT

07 / 1998

Deuxième texte du Mouvement pour une Alternative Non-violente (MAN)depuis 1974, cette contribution au débat sur la non-violence s’emploie à une synthèse plus conceptuelle qu’historique de l’engagement non-violent. Et tout d’abord de répondre à des questions de sens tant les mots violence et non-violence recouvrent des réalités multiples à l’origine d’interprétations confuses. Référence à la Déclaration des Droits de l’Homme de 1948, est considérée comme une forme de violence toute atteinte aux droits fondamentaux des personnes. Mais les relations humaines sont nécessairement conflictuelles et si la violence découle d’un déséquilibre de la pensée et de l’action, la non-violence ne doit pas viser à éluder les conflits mais bien à les gérer, les maîtriser et si possible les résoudre par des moyens autres que ceux de la violence destructrice et meurtrière. Car sur ce point achoppe le discours pacifiste lorsqu’il nie la réalité des conflits pour idéaliser le droit et la fraternité humaine. La perspective non-violente du MAN récuse les illusions idéalistes et s’inscrit dans une logique de gestion des conflits. Sous cet angle, l’agressivité ou mieux encore, la combativité, constituent des attitudes positives à l’égard desquelles la violence exprime une perversion. Ainsi, lorsque la persuasion ou le dialogue s’avèrent inefficaces seule la combativité, au travers de la lutte et du rapport de force, peut et doit rassembler les partisans d’une cause afin de faire valoir la justice et la concorde. Et de stigmatiser la résignation, la soumission et la passivité, attitudes plus répandues que la violence, tout aussi néfastes, et qu’il s’agit de combattre avant tout. Bref, ne pas fuir l’affrontement mais l’accepter, voire le provoquer pour le résoudre. La non-violence doit toutefois demeurer une exigence, un parti-pris et exprimer un "impératif catégorique." Et si l’on est amené, dans des situations extrêmes, à faire usage de la violence, en aucun cas doit-on la légitimer.

Une exigence éthique avant tout, qui concours à l’efficacité politique de la non-violence. Ethique de conviction, éthique de responsabilité, non pas tant pour renoncer aux moyens de la violence que pour chercher les moyens de la non-violence. Les dérives actuelles du système libéral tendent à accroître la misère de façon proportionnelle à la production des richesses, mais encore à soumettre l’action politique aux critères économiques productivistes. Cette logique qui, dans les pays développés comme dans le tiers-monde, prive toujours plus d’individus de leurs droits et besoins fondamentaux constitue une violence caractérisée. Cette violence s’étend au milieu naturel, dont le respect et la sauvegarde sont pourtant indispensables à la survie et au bien-être de l’espèce humaine. La réduction de l’emprise de l’économie marchande et le dépassement du productivisme constituent une priorité du MAN. Mais briser le consensus productiviste qui sévit dans nos sociétés modernes et rompre avec la culture de la violence implique une évolution des mentalités. Cette évolution passe par l’éducation et des moyens pédagogiques appropriés. Promouvoir une culture de non-violence revient à modifier les comportements de domination/soumission, transmettre des valeurs de justice, de solidarité, de tolérance et de civisme afin de développer des aptitudes à la résolution non-violente des conflits.

Quand aux questions de stratégie de l’action non-violente, elles s’inscrivent dans un processus qui remet en cause la démocratie formelle et milite pour une démocratie plus participative. Par souci d’efficacité, il convient de lier étroitement la fin et les moyens mis en ouvre pour y parvenir. Recentrer les conflits sur les objets qui les animent afin de réduire les rivalités de personnes ou de groupes d’intérêts; briser la complicité, la coopération active ou passive entre les pouvoirs acteurs d’injustices et les collectivités, représentent les visées essentielles de la lutte non-violente, quitte à ce qu’elle aboutisse à la désobéissance civile. Le droit doit primer sur la loi et, dans l’optique du MAN, les conflits entre pouvoirs et collectivités peuvent et doivent être réglés de façon pacifique et faire appel à la médiation lorsque le conflit risque de dégénérer. Sur le plan intérieur, l’édification d’une défense civile non-violente, complémentaire des moyens militaires de défense, favoriserait une politique de sécurité commune et de résolution pacifique des conflits. Sur le plan extérieur, le devoir d’ingérence démocratique, par le biais de sanctions économiques, d’intervention civile, de missions d’observation, de médiation ou d’interposition non-violente, constituent les moyens susceptibles de construire la paix, c’est à dire une vision positive de l’histoire.

Mots-clés

non violence, éducation à la non violence, mouvement non violent, libéralisme, respect des droits humains, démocratie, démocratie participative, désobéissance civile, médiation pour la paix, construction de la paix


, France,

Source

Livre

FPH, Non-violence : éthique et politique, FPH in. Dossier pour un débat, 1996/06 (France), n° 59

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