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Betinho : l’histoire d’un engagement militant au Brésil

(Mon Brésil)

Jean Christophe LALLEMENT

03 / 1998

Herbert de Souza, dit Betinho, est né dans une petite localité au nord de l’État de Minas Gerais, au Brésil dans les années trente. Son témoignage est celui d’un simple citoyen mais dont le destin singulier, au travers des luttes qu’il a menées, ne peut être dissocié de l’histoire humaine de ce Brésil du XXè siècle, son Brésil. La vie de Betinho fut un combat permanent. Hémophile et de faible constitution, il vécut reclus dans la demeure familiale une grande partie de sa jeunesse où il livra sa première lutte pour la survie, contre la tuberculose. Sa vieillesse ne lui apportera pas le repos puisque depuis plus de dix ans, il se bat désormais contre le virus du SIDA. Mais de la lutte pour sa survie, l’homme a su tirer la force et la générosité pour s’engager, sa vie durant, contre la misère et pour la vie des autres.

Fervent chrétien et militant catholique pendant les années 50, il fonda dans les années 60 l’Action Populaire (AP)dont il assura des fonctions de direction. L’Action Populaire fut l’une des forces politiques des plus marquantes parmi les mouvements étudiants des années 60. Au sein de l’AP, l’engagement catholique composait avec la révolution cubaine, la vision historique de Teilhard de Chardin et la révolution personnaliste d’Emmanuel Mounier, pour développer une pensée résolument anticapitaliste qui devait naturellement s’orienter vers une vision de type socialiste révolutionnaire. Le 31 mars 1964 survint le coup d’état militaire. Betinho assista impuissant, à Rio, au carnaval de la petite bourgeoisie tandis qu’étaient portés les premiers coups de la répression. Débutait alors pour Betinho l’histoire de la clandestinité et de l’exil. D’abord en Uruguay où tentait de se restructurer l’AP, puis à Cuba où il découvrit un peuple en pleine hystérie révolutionnaire. De retour au Brésil, clandestinement, il retrouva l’AP dont le contrôle était désormais assuré par un groupe de militants revenus transformés d’un séjour en Chine. Accusé de grandes déviances idéologiques, les " camarades chinois " décidèrent de la rééducation du fondateur Betinho. En 1971, sentant son existence compressée dans un étau idéologique, il fuit pour le Chili où il occupa un poste de chercheur à la Faculté latino-américaine des Sciences Sociales. Témoin de l’exceptionnelle expérience politique chilienne de l’époque Allende, il se consacra à l’étude des sciences politiques jusqu’en 1973 quand survint le coup d’état du général Pinochet. Betinho s’exila alors au Canada où, enseignant en Sciences Politiques, il poursuivit des études doctorales focalisant son intérêt sur les entreprises transnationales.

Mai 1979, l’amnistie fut proclamée au Brésil et Betinho put recouvrer sa famille, sa Nation et sa culture. Il revint au Brésil avec pour projet de fonder un institut de suivi des politiques publiques sur le modèle des think tank américaines et susceptible d’analyser, d’accompagner, de suivre et de diriger les politiques gouvernementales. En 1981, naquit l’Institut Brésilien d’Analyses Sociales et Economiques, l’Ibase. L’Ibase a vécu tous les chapitres de l’histoire récente du Brésil et s’est engagé dans de nombreuses luttes, notamment en faveur de la démocratisation de l’information et de la réforme agraire. Dans le Brésil actuel, six personnes contrôlent tout ce que la société doit savoir mais l’Ibase a réussi à populariser l’idée selon laquelle l’information est source de pouvoir et que celui-ci est public. D’autre part, l’Ibase milite en faveur d’une réforme agraire, d’une démocratisation de la terre, et remet en question la tradition latifundiste qui prévaut au Brésil. Betinho, au travers de l’Ibase s’est illustré au cours de la campagne contre la faim, qui mobilisa les foules et fit naître l’idée qu’il était possible de rendre la société plus démocratique et plus juste. Par son action et en créant l’Ibase, il utilise la connaissance et l’information pour construire et proposer des alternatives au combat contre l’exclusion sociale et en faveur de la démocratie.

Mots-clés

réforme agraire, révolution, processus de démocratisation, société civile, citoyenneté, pouvoir, relations savoir pouvoir, exclusion sociale, lutte contre l’exclusion


, Brésil

Source

Livre

DE SOUZA, Herbert; BOUGON, F., Mon Brésil, Descartes Cie, 1996 (France)

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