Le défi alimentaire mondial, des enjeux marchands à la gestion du bien public

Avec l’accroissement démographique, les besoins alimentaires de la planète augmentent. Mais il n’est pas pour autant légitime, pour les pays les plus riches, de revendiquer le droit de nourrir les autres. D’ailleurs, accroître la production ne résoud pas automatiquement le problème des pénuries : on le voit dès aujourd’hui, alors que les excédents côtoient les carences. Disposer d’une alimentation en quantité ne garantit pas, loin de là, la sécurité alimentaire pour tous. Il faut également que les consommateurs puissent se procurer les denrées dont ils ont besoin, c’est-à-dire qu’ils disposent pour cela de ressources suffisantes.

La question du pouvoir d’achat est donc essentielle et c’est pourquoi on ne peut se satisfaire d’un schéma selon lequel le Nord nourrirait le Sud. Il faut au contraire développer la production agricole dans les pays du Sud, non seulement parce qu’elle procure des denrées, mais surtout parce qu’elle génère des revenus. Développer la production agricole suppose à son tour de garantir la stabilité des prix, sans laquelle les producteurs ne peuvent guère investir sur le long terme. Et des prix stables ne peuvent être obtenus que par des politiques agricoles nationales coordonnées et par des mécanismes de régulation, comme la gestion de stocks régionaux. La sécurité alimentaire est un "bien public" : les économistes entendent par là qu’il s’agit d’un objectif supérieur aux intérêts privés et que le marché à lui seul ne peut préserver : il requiert donc l’intervention de l’Etat.