Comme toute éthique l’éthique de la technologie prend sa source dans le langage narratif
02 / 1998
Comme toute éthique, l’éthique de la technologie prend sa source dans le langage narratif. Pourquoi aller chercher l’éthique dans les histoires? Pourquoi les normes abstraites ne suffisent-elles pas à nous orienter dans la vie? Parce que notre vie est elle même faite d’histoires "en germe". Aussi l’éthique ne peut-elle exister pour nous, dans notre vie quotidienne, que si nous la percevons aussi sous la forme d’un récit. Les normes et les principes de vie sont seulement des abstractions tirées de modèles narratifs concrets et utilisées pour gouverner d’après ceux-ci la vie pratique et ses histoires. Il ne peut pour autant s’agir de récits "moralisateurs". Pour ne pas tomber dans le moralisme, l’éthique du récit doit garder un caractère indirect, amenant le lecteur à tirer lui-même les conséquences de l’histoire. L’auteur prend l’exemple de la catastrophe de Seveso. Même si nous ne sommes que de simples lecteurs vivant bien loin de Seveso et bien après la catastrophe, nous devons nous demander dans quelle mesure les personnes impliquées ont bien agi et quelle version de l’histoire est la plus crédible. Il ne suffit pas d’informations "objectives" sur la nocivité de la dioxine ou sur ses modes de fabrication... Il nous faut comprendre l’accident à travers une succession d’événements et d’actions qui ne peuvent être exprimés autrement que dans un récit comprenant un début un milieu et une fin. Or une histoire qui met en jeu la technologie et ses prolongements éthiques peut souvent être racontée de plusieurs manières. Et les différentes versions sont largement déterminées par la fin que nous avons choisi de donner à l’histoire. Dans le cas de Seveso ; ou bien on termine l’histoire en admettant que les mesures prises ont résolu tous les problèmes, grâce à l’action des techniciens et des politiques. Ou bien on conclut qu’il s’est agi d’une catastrophe que les autorités et les experts ont habilement camouflée et étouffée. Et de nombreuses formes intermédiaires de récit peuvent exister entre ces conclusions diamétralement opposées. Et tout ce que l’auteur développe dans son livre sur l’éthique de la technologie se fonde sur une approche narrative.
technologie, éthique, catastrophe naturelle
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Point de vue très intéressant par rapport à l’abstraction des normes éthiques désincarnées et qui rejoint, parmi beaucoup d’autres, le livre de Bertrand Hériard "Imaginaire technique et éthique sociale" dont on trouvera une brève présentation dans une fiche DPH.
Il s’agit de quelques paragraphes significatifs extraits du chapitre II (le langage narratif de l’éthique)du livre de Peter Kemp: L’irremplaçable - une éthique de la technologie
Livre
KEMP, Peter, L'irremplaçable - Une éthique de la technologie, Cerf, 1997 (France)
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