La situation qui attend ceux qui reviennent: Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés a la responsabilité du rapatriement au Cambodge des réfugiés et des personnes déplacées, tel qu’il a été prévu par les accords de Paris, mais, de par ses statuts, il n’a pas de mandat pour intervenir dans le pays lui-même. Or les problèmes suivants vont se poser:
-ils vont retrouver un pays différent sur tous les plans: matériel, social, culturel, politique, ...
-comment vont-ils reprendre possession de leurs biens, et régulariser leurs papiers?
-ils vont devoir admettre que ceux qui sont restés ont pu souffrir autant qu’eux.
-ils vont devoir s’habituer à ne plus recevoir automatiquement des secours.
-les personnes déplacées à l’intérieur du pays vont aussi rencontrer ces problèmes.
La reconstruction du Cambodge va demander du temps. Or, il est essentiel, dans une telle phase, que la situation des droits de l’homme soit suivie de près. La surveillance exercée par l’autorité provisoire des Nations Unies jouera un rôle important, mais il faudra aussi aider à la reconstruction d’un système judiciaire adapté.
Le système de l’ombud: Les principaux traits de la fonction de l’ombudsman mandaté pour traiter des relations avec l’administration publique en Norvège (Acte de 1962)sont les suivants:
-le rôle de l’ombudsman est de s’assurer que l’administration publique ne commettra pas d’injustices à l’égard des citoyens.
-il peut intervenir sur plainte ou de sa propre initiative.
-il peut exiger de l’administration toutes les informations qui lui seront nécessaires pour remplir sa tâche, et avoir accès à tous les services et bureaux des administrations et des entreprises qui entrent dans le champ de son contrôle.
-il est habilité à faire des remarques sur les sujets qui sont de son ressort, relever une erreur qui aura été commise par l’administration, saisir l’autorité compétente, recommander que des mesures soient prises à l’égard du fonctionnaire concerné, suggérer que des dédommagements soient versés, ... et constater que tout est rentré dans l’ordre.
-il peut saisir le ministre concerné s’il constate des insuffisances dans la réglementation et la pratique administratives.
-il doit soumettre au parlement un rapport annuel sur ses activités. Ce rapport est publié.
L’ombud cambodgien chargé des réfugiés et des personnes déplacées, que nommerait le Conseil National Suprême, devrait, idéalement, ne pas appartenir à un parti politique et être une personnalité incontestée. Ce pourrait être un moine bouddhiste compte tenu du rôle traditionnel joué par les bonzes dans le réglement des conflits au Cambodge. En tous les cas, il faut qu’il soit cambodgien, mais il pourrait avoir des assistants étrangers compétents qu’appointeraient les Nations Unies.
Etant donné l’importante présence d’étrangers - en particulier le personnel des Nations Unies- dans la période de transition actuelle, il est souhaitable que la compétence de l’ombud soit étendue aux plaintes éventuelles relatives aux opérations de l’ONU et aux incidents impliquant ses personnels.
Il est également important de veiller à ce que "ceux qui vont revenir" ne soient pas favorisés au détriment de la population au milieu de laquelle ils vont vivre, afin que de nouvelles injustices ne soient pas créées.
Au total, les avantages d’un tel système seraient les suivants:
-les populations concernées auraient un porte-parole attitré.
-les Cambodgiens réaliseraient que la réintégration des réfugiés est l’affaire de la société cambodgienne toute entière.
-il comblerait un vide dans le système de protection des populations concernées.
-il permettrait à la société cambodgienne de faire l’expérience de l’ombud à une échelle limitée, et il s’agirait d’un dispositif plus souple et moins coûteux, aussi bien pour la collectivité que pour le plaignant, que le fonctionnement des juridictions ordinaires.
paix, démocratie, droits humains, justice, réfugié, insertion sociale, prévention des conflits
, Cambodge
La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et les nouveaux défis du XXIe siècle
Cette proposition est à rapprocher des efforts accomplis par la "Coalition pour la paix et la réconciliation". La suggestion de nommer un tel médiateur paraît d’autant plus intéressante que:
-le plan de rapatriement fait inévitablement une place importante à l’improvisation; d’où les inquiétudes des réfugiés et des organismes travaillant sur le terrain.
-elle "instrumentalise" le concept d’ingérence: le retour à l’état de droit est à organiser au Cambodge et la démocratie passe notamment par la médiation.
-elle relève de ces actions de prévention qui construisent la paix et elle trace le profil de "spécialiste" que des organismes du type "école de la paix" pourraient se donner pour objectif de former.
A noter que la proposition aurait été bien accueillie par les Khmers et par d’autres.Mais la transposition de ce système est-elle concevable compte tenu des traditions culturelles khmères, d’une part, et de l’état de désorganisation actuel du Cambodge, d’autre part?
Hanna Sophie GREVE a été officier de protection du HCR sur la frontière entre le Cambodge et la Thaïlande de 1979 à 1981. Elle a commenté sa proposition au cours de la réunion mensuelle de la "Coalition pour la paix et la réconciliation" dans les locaux du CICR à Aranyaprathet (Cambodge)le 15 janvier 1992.
Littérature grise
GREVE, Hanne Sophie, 1991/11
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