Evolutions quant aux contenus thématiques
04 / 1993
"Puisque l’on en était à jouer avec les mots, nous nous sommes mêmes amusés avec la pire des hérésies et nous avons rassemblé un mot précolombien, la ’chacra’ (le champ, la ferme)avec les ’logies’ des savants contemporains: nous avons parlé de ’chacrologie’ (champologie, fermologie?)pour exprimer cette rencontre-transformation-convivialité du paysan avec la nature de sa ferme. (’De la conservation au développement agrosilvopastoral: Choré’, autre livre du même projet)." L’expression "chacra" est malheureusement intraduisible en français, donc la "chacrologie" encore plus. Cette incapacité à traduire la globalité du terme symbolise à son tour l’incapacité du spécialiste à comprendre le paysan. C’est là l’axe central de cette troisième partie du livre de capitalisation de l’expérience du Projet Planification de l’Usage de la Terre, au Paraguay: de la spécialité à la globalité. Au début étaient les forêts sur les terres du Paraguay... Au début étaient les forestiers en charge d’élaborer dans le Projet une politique d’utilisation des terres au Paraguay... Mais pour comprendre la dégradation des forêts il faut connaître la Grande Guerre entre la Vache, le Soja et l’Arbre (titre du conte qui commence le livre et dresse le contexte des rapports entre agriculture, élevage et forêt). Et pour comprendre l’évolution du Projet il faut connaître la grande guerre qui s’est déroulée dans les têtes pour les libérer de la prison de spécialisations excluantes. Il a fallu chercher à briser le moule conservationniste-plantationniste du forestier classique, briser la dychotomie conservation-production, briser la contre vérité selon laquelle la forêt tropicale est moins productive et rentable que les plantations homogènes d’espèces introduites, briser le mythe de ce que l’agriculture, l’élevage et le bois ne se marient pas bien, briser l’image d’un développement linéaire et quantitatif... Donc essayer de réapprendre à connaître et apprécier la diversité des cultures, des activités, des stratégies. Donc se préoccuper de l’art d’un "vivre ensemble" plus que de nouveaux découpages et cloisonnements pour réserver à chacun son fief. Donc regarder avec d’autres yeux ces pratiques paysannes ou indiennes qui semblaient si arriérées. Donc redécouvrir que le pays tient dans ces pratiques un immense potentiel sur la base duquel il serait possible de travailler, d’améliorer. Donc rechercher les accords possibles entre planification paysanne, planification spécialisée et planification nationale, même si cet accord s’exprime dans les mots à la mode, comme le "développement durable" que prônent maintenant les organismes internationaux.
C’est dans ce contexte que les remises en cause sur les rôles, les approches et les méthodes des développeurs prennent tout leur sens. La vision quadrillée et productiviste des décideurs de nouvelles colonisations doit être repensée en fonction de créer les "conditions pour la vie" et sa diversité. Les organismes de vulgarisation doivent s’intéresser à bien plus que la promotion de telle ou telle culture ou technique et leur personnel doit informer sur la réalité, non seulement sur ses propres activités. Même la stratégie exportatrice du pays devrait s’asseoir à long terme sur les potentiels agrosilvopastoraux: la diversité naturelle et culturelle peut être une des chances du pays. Pour ce faire, les pratiques de projets et institutions de toutes sortes sont également à revoir dans leurs schémas; il faut apprendre d’autres arts, comme l’a fait le Projet en s’essayant à l’art du tout pour mieux défendre la partie.
agriculture paysanne, déforestation, aménagement rural, écologie, développement rural, forêt, planification, reforestation, savoir traditionnel, transfert de connaissances
, Paraguay
On ne change pas du jour au lendemain une mentalité forgée pendant des décennies par les politiques de l’Etat, les structures sociales, les formations académiques. Mais il est des moments historiques où les révisions s’accélèrent. En apprenant à travailler en accord avec la conjoncture d’ouverture au Paraguay (après un long blocage total), le Projet a dû affronter une remise en cause de bien des croyances et habitudes, échapper à son objet pour mieux travailler son sujet. C’est dans les publications que le Projet réalise depuis deux ans que l’on retrouve l’ampleur et le détail de ce cheminement. Cette troisième partie du livre sur l’expérience du PPUT ne fait qu’en rendre compte et en donner une vision globale. En tant que telle elle peut aider d’autres acteurs à reprendre et réfléchir leurs propres évolutions d’une activité très spécialisée, fermée, à une ouverture sur la globalité pour mieux y insérer leur propos et leur objectif.
In la collection :"Serie Debates": "La vaca, la soja y el árbol : Recursos naturales, planificación y desarrollo: experiencias de un proyecto", chap.III. Le PPUT est réalisé par le cabinet technique (GT)du Ministère de l’Agriculture et l’Elevage (MAG)avec la coopération de la GTZ allemande.
Livre
DE ZUTTER, Pierre, PPUT=PROJET PLANIFICATION USAGE DE LA TERRE, PPUT, 1992/03 (PARAGUAY), VOL 13