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L’Echo de Moscou

Une radio indépendante dans la tourmente des changements politiques : passions, conflits et contre-pouvoir dans l’ex-Union soviétique

Pierre Yves GUIHENEUF

07 / 1996

Serguei Korzoun est un passionné de radio. Animateur pendant une dizaine d’années au service francophone de Radio Moscou internationale, émetteur étroitement contrôlé par une administration tâtillonne, il brûlait de s’exprimer enfin en toute liberté. Grâce à la Perestroïka, le pouvoir cède une partie de son monopole à des radios indépendantes. Après plusieurs tentatives infructueuses pour trouver les moyens techniques et les financements nécessaires, Serguei Korzoun finit enfin par rencontrer quelques généreux donateurs et une petite équipe de professionnels qui partagent son rêve. En 1990, le voilà rédacteur en chef de l’Echo de Moscou.

Faut-il beaucoup de choses pour faire une radio ? Cela dépend des pays. En général, il faut un émetteur, un micro, un tourne-disque et des gens qui ont quelque chose à dire. Dans l’ex-Union soviétique, il faut en outre 2848 autorisations provenant de 1323 services administratifs ! Avec beaucoup de persévérance, un matériel digne de figurer dans un musée et un local microscopique, l’Echo de Moscou parvient à émettre, quelques heures par jour au début, toute la journée ensuite. L’information constitue son point fort : elle doit être rapide, fiable et indépendante. Les flashes d’actualité n’occupent que 10 % du temps d’antenne mais mobilisent les deux tiers des journalistes. Grâce à cela, l’Echo de Moscou a le matin plus de trois millions d’auditeurs.

En janvier 1991, l’armée soviétique et le KGB attaquent le bâtiment de radio-télévision de Vilnius. Les médias lituaniens sont sous contrôle en quelques minutes, la presse d’Etat reste silencieuse. C’est l’Echo de Moscou qui informera les moscovites des événements et s’attirera du même coup la sympathie des intellectuels et les foudres du pouvoir. Le 19 août 1991: tentative de coup d’Etat en Russie. L’Echo de Moscou est le premier media à être muselé par le KGB. Mais si l’émetteur est mis hors service, les téléphones et les fax restent branchés, ce qui permet aux journalistes d’improviser une petite agence de presse et d’alerter les medias étrangers. Les auditeurs viennent leur apporter du café et de la nourriture pour les aider à tenir le coup pendant les trois jours que dureront les événements. Le 20 août, ils parviennent à remettre en état l’émetteur, avant que celui-ci ne soit débranché de nouveau. Après plusieurs coupures successives, ils installent un petit studio à quelques kilomètres et se rebranchent sur leur émetteur grâce à un bricolage de fortune et à la complicité d’un responsable des communications opposé au putsch. Ils apprennent en même temps que des militaires favorables à leur cause font route vers eux avec un émetteur de réserve ! Le 21 août, la défaite des putchistes est assurée et les émissions reprennent en toute sécurité.

Après le putsch, le monopole de la radio-télévision soviétique est définitivement enterré. Au moins dans les textes, car dans les faits, les radios indépendantes sont menacées. Même si l’Echo de Moscou est désormais l’une des deux principales radios de la capitale et la référence en matière d’information, les nouvelles autorités - qui lui doivent pourtant beaucoup - la regardent d’un mauvais oeil. La radio-télévision d’Etat a de plus gros moyens et paie mieux ses journalistes, en même temps que le pouvoir encourage la création de radio privées musicales qui poussent comme des champignons. Pendant ce temps, les animateurs de l’Echo de Moscou continuent de faire passer dans leurs studios toutes les minorités possibles et de faire bonne figure devant les auditeurs même quand le matériel trop vétuste les lâche au moment le moins opportun. C’est qu’ils ont tous le même virus que Serguei Korzoun : la passion...

Mots-clés

radio, information, liberté d’information, diffusion de l’information


, Russie

Source

Livre

KORZOUN, Serguei, La passion radio, SYROS ALTERNATIVES, 1993 (France)

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