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La conquête de l’eau

Du recueil à l’usage, comment les sociétés s’approprient l’eau et se la partagent

Pierre Yves GUIHENEUF

07 / 1996

L’eau est vitale, a-t-on coutume de dire. Pour les organismes vivants, certes, mais aussi pour les sociétés car l’accès à l’eau, donc son usage et son partage, deviennent des enjeux majeurs pour leur développement. L’utilisation de l’eau renvoie à la technique, à l’organisation et à l’aménagement de la nature. Au-delà de cela, elle nous pose des défis qui ont à voir avec le politique, l’écologique, l’éthique ou le religieux... La question de l’eau peut donc être vue sous de multiples facettes. Au travers de situations recueillies dans toutes les régions du monde, ce dossier en donne un aperçu. Il organise les histoires présentées ici autour du social, de l’écologique et du politique.

1. Autour du social.

La déclamation d’un hymne au Nil ou la description d’une organisation sociale ancestrale comme celle de Bali, liée à la gestion communautaire de l’irrigation et étroitement liée aux pratiques religieuses, nous rappellent que l’eau a mobilisé des énergies collectives depuis des temps très anciens. Les systèmes techniques mis au point ont parfois accompagné l’institution sociale. Au Yémen, dans une région où la population agricole est particulièrement dense, celle-ci a dû concevoir des techniques d’irrigation très complexes afin d’obtenir une nourriture en quantité suffisante. En Tunisie, la rareté de la ressource a obligé les hommes à s’organiser et à se doter de règles. Au Sénégal, la gestion collective du terroir, qui détermine l’expansion des rizières et l’utilisation des friches, participe à la conservation et à l’amélioration des ressources naturelles.

2. Autour de l’écologique.

Coûteux tâtonnements : en aménageant la Volga pour la plus grande gloire du communisme, les planificateurs russes des années 30 avaient simplement oublié deux choses : la nature et les hommes. Les deux ont fait les frais de cette grande réalisation technocratique : salinisation des sols, destruction des poissons, déplacements autoritaires de population... En Syrie en revanche, la participation des populations dans un projet étatique leur a permis de préserver leurs intérêts et de bénéficier de périmètres irrigués. Quant aux écosystèmes fragiles constitués par les étendues d’eau de l’Amazonie brésilienne ou la Laguna Merin en Uruguay, ils sont menacés par les appétits financiers de quelques soi-disants développeurs soucieux de profits à court terme. D’autres exemples, au Sahel et au Mexique, montrent que des mesures politiques intégrant les conditions écologiques du territoire concerné à une vaste échelle conduit à des résultats positifs. Dans le cas contraire, les déboires sont assurés...

3. Autour du politique

L’institution politique peut être aidée ou renforcée par une organisation économique ou un fondement rituel. Ainsi, à Java, la pratique de la riziculture irriguée a conforté la cohésion des communautés villageoises. Au Niger, les droits de l’eau visent à consolider les communautés de pasteurs. Au Pérou, la construction d’un système d’adduction d’eau participe à l’organisation politique de la population des quartiers pauvres. On connait aussi le rôle stratégique du Nil dans le maintien de la paix entre l’Egypte et les pays voisins, tellement la rareté des eaux du fleuve sacré cristallise des tensions autour des barrages construits pour en réguler le cours : Boutros Ghali confiait en 1987 que la prochaine guerre de la région concernera l’eau plutôt que la politique.

Dans l’histoire de l’humanité, les sociétés semblent être passées d’un moment où l’eau était considérée comme une ressource divine, précieux cadeau de la nature, à un moment où le progrès technique a construit la puissance qui a nourri une logique de maîtrise et de domestication. Nous abordons aujourd’hui un moment où la surexploitation et la pénurie nous obligent à inventer une logique de gestion et de partage. Notre rapport à l’eau se nourrit de ces éléments nouveaux tout comme il se nourrit des expériences de l’histoire. L’eau doit être partagée aussi bien à une échelle locale qu’au niveau planétaire et c’est dans la construction de ce partage que se bâtit la démocratie.

Mots-clés

eau, accès à l’eau, marché de l’eau, irrigation, ressources hydriques


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Source

Livre

GANDIN, Jean Paul (coord), La conquête de l'eau, FPH in. Dossier pour un débat, 1995/03 (France), n° 44

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