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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Rencontre syndicale sur les risques planétaires

Les syndicats peuvent-ils contribuer à la recherche de nouveaux modes de développement ? Mémoire de la rencontre de Saint Sabin de septembre 1993

Pierre Yves GUIHENEUF

06 / 1996

De graves menaces pèsent actuellement sur l’avenir de la planète toute entière : diminution de la couche d’ozone, perte de biodiversité, effet de serre, etc. Le nucléaire, la chimie ou la sidérurgie causent des pollutions ou présentent des risques également considérables. Nos modèles de production et de consommation, tels qu’ils se sont déployés depuis la seconde guerre mondiale, en sont largement responsables et il ne sera pas possible de maîtriser ces menaces sans les infléchir de façon notable. D’autant plus que la croissance manifeste également des effets pervers dans le domaine social : exclusion et aggravation des inégalités. Face à ces défis, il faut promouvoir une action concertée de tous les secteurs de la société, notamment des acteurs économiques, en vue de chercher les voies d’un avenir harmonieux entre les hommes entre eux et avec la nature. Or, les syndicats, qui sont des acteurs de premier ordre, sont largement absents de ce débat. Il est vrai que le monde syndical, idéologiquement lié depuis sa création au modèle productiviste, est d’abord sensible à la question de l’emploi et craint que les arguments écologiques ne soient que des prétextes à des licenciements. Il est vrai aussi que les syndicats sont organisés au sein d’espaces nationaux mais peu présents dans des réseaux internationaux et mal armés pour aborder les négociations Nord-Sud qui constituent une dimension importante du débat sur l’environnement. Pourtant, leur contribution est importante, car les travailleurs sont à la fois directement concernés par les atteintes à l’environnement et détenteurs de savoirs techniques qui pourraient être utilement valorisés. Ils sont également concernés par l’évolution des relations entre l’entreprise et son environnement, ainsi qu’entre l’entreprise et la société en général et peuvent jouer un rôle moteur à ce niveau. C’est pour toutes ces raisons que la FPH a décidé d’organiser en 1993 une rencontre rassemblant une vingtaine de responsables syndicaux d’Europe, d’Asie et d’Amérique.

"Ecologie ? Environnement ? C’est quoi ? (...)Il y a des problèmes plus urgents à résoudre ! " C’est en ces termes que les collègues coréens de Chun Yung-Se ont réagi lorsqu’il leur a fait part de son désir de participer à la rencontre. Il a réussi à les convaincre en disant qu’il allait rencontrer d’autres dirigeants syndicaux. "Les problèmes globaux, ils s’en fichent", dit-il, suscitant l’acquièscement de nombre de participants. La première des tâches est d’assurer la légitimité de la problématique. Qu’ils soient du Mexique ou des Etats-Unis, les responsables syndicaux abordent la question de l’environnement au travers des risques professionnels ou des conditions de travail : émanations toxiques, produits dangereux maniés sans précaution, etc. Cela ne suffit pas toujours "Les ouvriers sont prêts à ne pas voir le cancer pour préserver l’emploi", rapporte l’Américaine Karyl Dunson.

L’approche diffère cependant selon les pays et les professions. Pour cet enseignant chinois, les atteintes à l’environnement sont un crime envers les ancêtres et envers les enfants, et mettent en péril les valeurs de la société.

Pour de nombreux participants, le dialogue avec les écologistes est difficile. Ce dirigeant ouvrier d’Uruguay explique que, lorsqu’il ne connaissait l’environnement qu’au travers du discours des Verts de son pays, il était "en désaccord avec le fait de dépenser de l’argent pour sauver une baleine alors que les gens meurent de faim". Mais un dialogue approfondi avec des écologistes ouverts au monde ouvrier l’ont convaincu que le drapeau de l’environnement devait être saisi par les syndicats "Les principales victimes de la dégradation de l’environnement sont les pauvres ; les riches peuvent s’acheter la sécurité". Constat similaire pour la participante espagnole, qui reconnaît que les syndicalistes ont peur des écologistes, et vice-versa. Des efforts de dialogue sont cependant engagés dans son pays et les associations écologistes commencent à inclure la dimension sociale dans leur réflexion, alors que les syndicalistes font de même avec l’écologie. Mais beaucoup de chemin reste à faire...

Les luttes pour l’environnement font craindre aux travailleurs des menaces pour l’emploi, ce qui les incite à faire corps avec leur direction au risque de se trouver manipulés. Leur attitude face à ces débats est défensive, alors que leurs intérêts de citoyens et de travailleurs sont aussi en jeu. Pour sortir de cette contradiction, il faut favoriser la prise de conscience de l’importance de la question environnementale en l’abordant sous l’angle des conditions de vie et de travail des salariés. Dans ce débat, le syndicat peut servir de médiateur. Les Allemands d’IG-Metal et les Brésiliens ont ainsi réussi à imposer l’utilisation de produits moins toxiques dans l’industrie. En s’associant avec d’autres partenaires sociaux, ils peuvent proposer des plans d’actions pour la réhabilitation de sites et d’usines. De plus, l’environnement peut renouveler l’approche du social en mettant l’accent sur la qualité de vie. A terme, les syndicats doivent être conscients que seules les entreprises à "label écologique" survivront. Cette prise de conscience est de nature culturelle : écoles et syndicats ont un rôle à jouer dans le changement des consciences.

Pour mener à bien ces changements, est nécessaire un réseau international syndical qui favorise l’échange d’expériences, constitue un contre-pouvoir permettant d’éviter les manipulations d’information en provenance des entreprises - notamment multinationales - et favorise les liens avec les medias.

Un modèle alternatif de développement sera nécessairement l’aboutissement d’une réflexion collective, dans laquelle les syndicats ont leur rôle à jouer. Le projet écologique actuel ne constitue pas une réelle alternative au modèle productiviste, il y a encore de la place pour l’innovation et pour la concertation sociale.

Mots-clés

environnement, éducation à l’environnement, coût écologique, organisation syndicale


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Source

Compte rendu de colloque, conférence, séminaire,…

FPH=FONDATIONCHARLES LEOPOLD MAYER POUR LE PROGRES DE L'HOMME, Rencontre syndicale sur les risques planétaires, FPH in. Document de travail (France), n° 44

GEYSER (Groupe d’Etudes et de Services pour l’Economie des Ressources) - Rue Grande, 04870 Saint Michel l’Observatoire, FRANCE - France - www.geyser.asso.fr - geyser (@) geyser.asso.fr

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