Conférence et discours d’Ivan Illich entre 1978 et 1990
03 / 1996
"Une société sans école", "La convivialité", "Nemesis médicale", voila quelques titres dont on se souvient, d’un philosophe plutôt provocateur qui nous invite dans tous ses livres à une constante recherche de sens. Dans les conférences ici rassemblées, Illich poursuit sa recherche des origines des idées contemporaines. Dans le domaine de l’économie, de l’enseignement, de la médecine, de l’informatique ou de la bioéthique, il nous invite à réfléchir sur leur genèse et leur emprise sur le quotidien.
En partant de la notion de besoin, il s’interroge sur le modèle de consommation occidental et met en avant des formes collectives ou individuelles de "contestation du développement": communautés américaines toujours vivaces, parents cherchant des alternatives à la scolarisation des enfants, villageois qui s’organisent pour créer des bibliothèques : tout cela est salutaire car cela pose la question de l’existence d’un modèle dominant qui apparaît comme une évidence. Les aménagements d’aujourd’hui sont trop souvent conçus "pour des nourrissons à vie convoyés par automobile du centre médical à l’école, au bureau, au stade". Illich nous rappelle que rien de tout cela n’est inévitable.
En revenant sur le passé pour comprendre le présent, Illich apporte un éclairage insolite sur la question de la mémoire, de la connaissance d’hier pour orienter l’action d’aujourd’hui. Qu’on nous permette ici une seule citation du chapitre sur l’empreinte de la mémoire, qui apporte un complément précieux aux débats sur la capitalisation et l’échange d’expériences : le caractère hautement subjectif de la façon dont on se raconte l’histoire :
"Chacun partage avec ceux de sa génération la capacité de recréer un passé qu’ils ont tous pareillement connu. (...)Mais plus je vieillis, et plus j’attache de prix à l’écart entre ce qui, dans le passé, m’est essentiellement personnel, et ce que les autres partagent avec moi. (...)Car même si nous avons grandi côte à côte, lorsque nous nous remémorons tel moment que nous avons vécu ensemble, la plupart du temps mon autrefois n’est pas le tien. Qui plus est, le passé qui me revient au coeur en ondes harmonieuses fait peut-être grincer tes fibres. il m’a fallu des années pour comprendre brusquement que lorsque le tintement des cloches annonçait un mariage, pour toi elles sonnaient le glas. C’est là une des raisons pour lesquelles j’aime évoquer en commun des souvenirs : la soirée ratée dont j’avais gardé sinistrement mémoire a pris une tournure de fête depuis que tu te l’es rappelée devant moi. Lorsqu’on évoque le passé, il se présente à chaque fois sous un aspect différent. Et il laisse alors quelque chose de nouveau, il dépose une couche fraîchement tissée sur le cocon de mes souvenirs."
mémoire
, Europe, Amérique du Nord
Ivan Illich, philosophe d’origine autrichienne né en 1926, a d’abord été prêtre et a fondé à Cuernavaca (Mexique)une "Université libre". Auteur de nombreux essais, il s’est fait connaître pour son regard décapant porté sur les institutions : l’école, le système de santé, l’industrie, etc... Dans la Convivialité (1973)il dénonce l’aliénation qu’elles provoquent chez ceux qui en bénéficient. Ivan Illich a également dénoncé le fossé entre les sociétés des pays riches et celles du tiers monde. Il enseigne actuellement en Allemagne et aux Etats Unis l’histoire des idées au XII siècle.
Livre
ILLICH, Ivan, Dans le miroir du passé, Descartes et Cie, 1994 (France)
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