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Droit alternatif et théorie générale du droit

02 / 1995

Il n’est pas toujours aisé de saisir la notion de pratique ou d’usage alternatif du droit. Dans une étude publiée par ILSA, Oscar Corréas, de l’Institut d’investigation judiciaire (Unam -Mexique), tente d’évaluer le rôle que peut jouer une approche alternative du droit, à travers sa production idéologique et juridique, dans la reconnaissance et la défense de l’opprimé, sujet de droit.

Il distingue au préalable deux discours de droit : le discours de droit tel que produit par le pouvoir exécutif et/ou législatif porteur d’une certaine idéologie, dite "idéologie du droit", et le discours juridique tenu par ceux qui expliquent et utilisent le droit, auquel l’on peut opposer le terme "d’idéologie juridique".

A cette distinction, il apporte quelques précisions sur trois notions fondamentales :

La première, "pluralisme juridique", introduit l’idée selon laquelle différentes normes relevant de systèmes différents, coexistent sur un même territoire, le discours juridique étatique exerçant toutefois son pouvoir hégémonique sur l’ensemble des autres systèmes. La possibilité d’un affrontement entre systèmes revendiquant une efficacité supérieure, est dès lors envisageable.

La seconde, "droit alternatif", décrit un système en opposition avec le système dominant. L’alternativité n’est donc possible qu’en référence à un corps hégémonique que le droit alternatif tente de briser. Le droit alternatif contribue ainsi au phénomène de pluralité juridique.

Enfin, la troisième notion, "utilisation alternative du droit", recouvre l’ensemble des usages effectués du système normatif prépondérant pour la protection de ceux que le pouvoir dominant entendait, au contraire, priver de protection.

A travers ces multiples variations conceptuelles, l’auteur introduit l’idée selon laquelle un système dominant, utilisant le droit pour asseoir son autorité, peut se heurter à un système idéologique dominé, dans la mesure où ce dernier est susceptible de conquérir par le droit, la production de nouvelles normes et la diffusion d’un nouvel esprit, un espace idéologique propre menaçant le système juridique en place. Cette conquête progressive, dite alternative, implique, au-delà de la "confrontation dominant-dominé", une réelle transformation sociale.

Divers phénomènes propres à remettre en cause les valeurs et la suprématie du système en place sont alors étudiés par l’auteur : les organisations populaires constituent l’une des formes premières de cette capacité évolutive. Celles-ci présentent leurs propres normes, généralement considérées comme délictueuses au regard du système juridique dominant.

Le discours sur les droits de l’homme, comme bannière politique est une seconde forme de droit alternatif. Est alors vécu comme droit de l’homme, toute aspiration populaire rejetée par l’Etat. L’usage qui est fait de ce discours s’avère, du point de vue idéologique, subversif, puisqu’il vise à instaurer de nouvelles normes jusqu’alors inexistantes dans le corps étatique en vigueur.

L’établissement de services légaux et juridiques alternatifs oeuvrant en faveur de la sensibilisation et de la promotion des organisations populaires est un élément fondamental dans la lutte hégémonique. En validant les normes par leur lecture du droit, les juristes jouent un rôle hautement politique. La critique que les juristes alternatifs formulent à l’égard des normes de l’ordre juridique en place contribue, en effet, à remettre en cause la légitimité du pouvoir dominant.

De la même manière, les juges peuvent, par l’utilisation alternative du droit, se détourner du comité de défense discours juridique ambiant en interprétant différemment les normes dominantes, c’est-à-dire en les interprétant au profit des dominés. Ils contribuent ainsi à altérer la sémantique et à générer, sur une base légale, un mouvement alternatif.

L’alternatif a sans aucun doute un rôle considérable à jouer dans la lutte contre la suprématie étatique et pour la reconnaissance des dominés. La possibilité qu’il y a de transformer le strict sens idéologique du droit en discours juridique, et de concrétiser une perception en conscience contestataire exprimée, ouvre au droit alternatif des perspectives politiques de transformation sociale.

Mots-clés

droit, droit dominant, droits humains, pratique du droit, service juridique, droit alternatif, changement social


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Commentaire

Force est de constater, toutefois, que ce processus alternatif ne peut être la plupart du temps qu’illégal (au sens déontologique du terme)puisqu’il est contraint à utiliser le droit dans sa seule dimension idéologique.

Source

Articles et dossiers

CORREOS, Oscar, La teoria general del derecho y el derecho alternativo, ILSA in. El Otro Derecho, 1994 (Colombie)

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