01 / 1996
Que ce soit dans les pays d’Asie à forte croissance économique (Hong Kong, Singapour, et plus récemment Thaïlande, Malaisie)ou des pays comme l’Inde, le Bangladesh, le Sri Lanka et de manière différente, les Philippines, plusieurs types d’actions juridiques alternatives peuvent être distingués (bien qu’elles soient en réalité le plus souvent combinées). Il s’agit essentiellement d’actions de mobilisation (au sens de "empowerment" en anglais), d’actions de recherche, d’information et d’éducation au(x)droit(s)et, enfin, des actions de médiation et de création d’instances "para-judiciaires".
Les premières actions concernent les actions de mobilisation de populations concernées directement par un enjeu concret et immédiat : il s’agit de mobilisations soit contre la mise en oeuvre d’un projet (barrage, route, grand projet, usine qui pollue...)qui porte atteinte aux droits des populations en les délogeant ou en leur prenant leurs terres, soit pour revendiquer l’accès à des droits comme l’acquisition de logements ou de services sociaux et sanitaires dans des quartiers défavorisés... En outre, les actions de mobilisation sont également organisées pour se protéger d’une persécution (dans l’exercice d’une certaine activité, comme les petits vendeurs sur la voie publique, maltraités et taxés par la police, ou les persécutions contre les femmes dans la famille, par la police etc.)ou mettre fin à une exploitation (ouvriers exigeant de meilleures conditions de travail, de salaire, de sécurité de l’emploi etc.).
Les actions de recherche, d’information et d’éducation au(x)droit(s)sont aussi présentes et menées à travers différents moyens :
- enquêtes, groupes d’études, ateliers de travail et de réflexion, séminaires, publications d’ouvrages, de films... L’aspect "alternatif" de ce type d’initiatives dépend fortement de la nature des participants (il ne s’agit pas de faire des études "sur" les privations et violations de droits, mais d’identifier les processus garantissant la participation active, à part entière, de personnes souffrant de violations et de privations de droits)et du but recherché (non la simple connaissance d’une situation, mais la production d’outils nécessaires pour une action de mobilisation destinés à ceux qui doivent se mobiliser).
- campagnes pour la modification de la législation existante ou l’adoption d’une nouvelle législation (avec la même remarque que pour le point précédent).
- cours de formation juridique pour des populations défavorisées et opprimées (qui parfois viennent en appui à une action précise de mobilisation): la discussion à ce sujet avec les organisations rencontrées n’a pas permis de trancher sur la question de savoir si la simple information sur les lois et systèmes juridiques existants peut suffir à donner lieu à des pratiques alternatives de droit, où si cette information doit nécessairement être associée à une vision critique du droit pour faire émerger de telles pratiques. Tout dépend en fait des modalités de cette éducation et de l’usage qui en est fait. Le débat reste ouvert ...
- campagnes publiques d’éducation généralement sur un droit particulier : à nouveau, ce type d’action peut ne pas être considéré comme pouvant déboucher sur des pratiques alternatives d’action juridique. Là encore, tout dépend de l’objectif de ces campagnes, de la manière dont elles sont élaborées et mises en oeuvre (participation active de personnes privées de droits)et d’éventuelles actions parallèles à ces campagnes ou encouragées par elles.
Enfin, les actions de médiation et de création d’instances "para-judiciaires" se retrouvent un peu partout en Asie. Il s’agit d’initiatives d’une grande diversité et d’une grande richesse qui, selon le rôle que les personnes privées de droit y jouent, constituent avec plus ou moins de succès des initiatives alternatives d’action juridique.
Cette classification demanderait très certainement à être améliorée et nuancée. Elle est au demeurant assez semblable à celle que l’ont pourrait appliquer aux initiatives dans d’autres continents, y compris en Europe. Mais elle n’est évidemment pas sans cacher des différences d’analyse et de démarches qui peuvent être assez importantes.
Cette mission en Asie, premier pas de Juristes- Solidarités dans ce continent, a été suivie d’une "rencontre régionale des pratiques alternatives de droit ", à Comilla (Dakha- Bangladesh), en juin 1994, à laquelle ont participé une vingtaine de représentants d’organisations rencontrées lors de la mission d’identification de ces pratiques (Bangladesh, Inde, Sri Lanka, Philippines, Thaïlande, Malaisie, Hong Kong), et une dizaine d’autres organisations du Bangladesh. Cette rencontre (qui a fait l’objet d’un rapport en anglais)a permis d’amorcer un réseau thématique, qui nous l’espérons, en se développant, favorisera la découverte par les organisations asiatiques et d’autres continents de toute la richesse des initiatives de pratiques alternatives d’action juridique et favorisera l’émergence de nouvelles initiatives.
droit, Etat et société civile, mobilisation populaire, pratique du droit
, Asie du sud est, Asie du Sud
Rapport
GAUDARD, Catherine, Juristes Solidarités, Introduction au rapport de mission Asie, 1994 (France)
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