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Le droit au logement, action revendicative d’une association française

1995

Depuis les années 70, en France notamment, les besoins élémentaires de logement ont été ressentis de façon de plus en plus aiguë par les populations démunies. Aujourd’hui, ce problè-me émerge à nouveau à l’initiative des mal-logés et des sans-abris, appuyés par le DAL (Droit au Logement), association qui lutte depuis 1990 pour le Droit au logement.

En réalité, c’est surtout depuis le 18 décembre 1994 que la question ravive l’opinion publique. Ce jour-là, un immeuble appartenant à une société immobilière, situé rue du Dragon, dans un des quartiers aisés de Paris, est investi et occupé massivement par une soixantaine de familles sans logis. Cette action faisant suite à d’autres du même type, organisée, comme les précédentes, par le DAL et le CSL (Comité des Sans-Logis, créé en 1993), médiatisée et soutenue par de nombreuses personnalités connues comme l’Abbé Pierre, a permis de sensibiliser la France entière et les responsables politiques. Elle a même contribué à consacrer le droit au logement comme un des thèmes du débat précédant l’élection présidentielle.

Parmi les moyens d’actions du DAL : le recensement des personnes mal logées et sans abris ; l’occupation avec les personnes concernées, de manière non-violente, d’immeubles vides, objets le plus souvent de la spéculation immobilière ; l’organisation de manifestations, débats, fêtes afin de mobiliser et de sensibiliser l’opinion publique ; l’information des médias et, enfin, l’action juridique (en soutien technique, administratif aux personnes)et judiciaire (devant les tribunaux pour faire progresser la jurisprudence et faire face à la répression).

L’action rue du Dragon a permis de rappeler l’existence de la loi de réquisition des logements vacants qui date de 1945 et de souligner que, curieusement, les forces de l’ordre protègent ceux qui refusent l’application de cette loi, propriétaires spéculateurs, autorités …, et matraquent ceux qui devraient en être bénéficiaires. Ces derniers, alors qu’ils tentent de faire appliquer la loi, sont poursuivis devant les tribunaux… Mais, pour la première fois, ils ont obtenu l’engagement, même s’il est largement insuffisant, du maire de Paris d’appli-quer cette loi « oubliée ». L’action du DAL se fonde également sur d’autres textes, comme celui de la Constitution française de 1946 qui garantit le droit de vivre en famille.

En outre, le 1er mars 1995, la Cour suprême française, à savoir la Cour de Cassation, a conforté la position des militants du DAL, en confirmant une décision de la Cour d’appel de Paris qui avait précédemment reconnu le droit d’occuper un logement vide par nécessité, dans son arrêt concernant 41 personnes qui occupaient en mars 1993 l’école maternelle désaffectée de l’avenue René Coty (XIVe arrondissement de Paris)et qui avaient été expulsées par les forces de l’ordre en exécution d’une ordonnance de référé. Se référant à divers traités internationaux, la Cour d’Appel, alors saisie par les victimes de cette expulsion et le DAL, avait reconnu dans son arrêt un droit au logement et consacré cette nouvelle notion de « squatt par nécessité ». Par son arrêt du 1er mars 1995, la Cour de Cassation a confirmé l’arrêt de la Cour d’Appel de la ville de Paris. Elle a, en outre, condamné la Ville de Paris à verser aux familles la somme de 8 000 FF au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile (relatifs aux frais de procédure engagés).

Le DAL poursuit son action qui s’étend à toute la France et qui a déjà permis à des centaines de familles de trouver un logement. Le soutien et la solidarité de nombreux citoyens et d’associations, sensibilisés à cette question fondamentale du droit à bénéficier d’un logement, renforcent la légitimité des actions et des revendications du DAL et des autres associations de sans-abris et les encouragent à poursuivre leur combat.

Mots-clés

droit, action juridique, exclusion sociale, logement, droit au logement, pratique du droit, revendication sociale


, France

dossier

Le débat sur l’exclusion

Commentaire

L’action du DAL qui concourt à lutter contre l’exclusion sociale par le droit est une pratique (alternative de droit ?)exemplaire. Elle est l’expression collective d’une revendication légitime des mal-logés et des sans-abris. L’action est en outre directement en lien avec la recherche d’une réponse à des besoins fondamentaux, exprimés par les personnes concernées, qui agissent en concertation avec d’autres parties de la population sensibilisées à leurs problèmes. Cette pratique participe ainsi à l’élaboration d’une citoyenneté active.

L’action juridique et judiciaire qui vient en appui est un des moyens de l’action collective et revendicative. Les acteurs concernés se mobilisent pour faire valoir leurs droits, faire appliquer les textes de lois qui leur sont favorables ; le droit existant ou créé étant un des instruments permettant l’amélioration de leurs conditions de vie.

Il est intéressant de noter diverses réactions sur l’action du DAL. Pour Emmaüs France, « Dal est un électron libre, un fer de lance salutaire, à condition qu’il ne serve pas d’alibi pour figer nos comportements »; pour le Secours catholique, « si nous avions des interlocuteurs politiques qui prennent en compte nos « alertes », DAL n’existerait pas »; ATD Quart-Monde, « nous ne sommes d’accord avec ce type d’action que dans la mesure où elle débouche sur de vrais logements définitifs, sur la mise en place d’une politique d’accès à l’habitat pour les personnes et familles les plus défavorisées et plus généralement sur une politique globale de lutte contre la misère » ; enfin, pour le Centre d’action sociale protestante, « DAL a fait avancer les choses […]Nous […]nous avons tellement réclamé sans être entendus » (Macadam Journal, mars 1995).

Notes

DALDroit au Logement), B.P. 484, Paris cédex 11

Source

Articles et dossiers ; Autre

(France), Libération, 16 mars 1995, Libération, 7 avril 1995, Macadam Journal, novembre 1995, Macadam Journal, mars 1995, Télérama, 22-28 février 1995.

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