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Le rachat de logements d’accédants en difficultés dans la Drôme

Jean MAHAUT

12 / 1995

Si l’aspiration des ménages à acheter leur logement est toujours forte, il arrive que le parcours des accédants connaisse des "ratés". Chaque année, environ cinq cent cas d’accédants à la propriété en situation d’impayés, souvent temporaire, sont repérés dans la Drôme dans le cadre de la SDAPL (section départementale des aides publiques au logement)en particulier. L’engrenage de l’impayé menant jusqu’à la vente judiciaire est alors traumatisant pour les familles, en particulier s’il s’agit de quitter la maison. Le service conseil logement (SCL)a mis au point dans la Drôme un dispositif de rachat permettant aux ménages de rester dans leur logement avec le statut de locataire.

UNE DIMENSION SOCIALE, FAMILIALE ET PSYCHOLOGIQUE

La majorité des ménages pour lesquels la SDAPL est saisie par les organismes financiers, régularise leur situation dans les mois qui suivent, soit directement, soit par l’intermédiaire du plan établi par la commission de surendettement.

Si les causes sont à peu près connues (désinflation, taux d’intérêt réel trop élevés, remboursement progressif, réduction de l’aide personnalisée au logement, surendettement, mais aussi chômage, maladie, divorce...), les effets le sont moins : éclatement des familles en laissant des logements souvent inachevés, traumatismes durables, retour en locatif HLM, etc.

Les remèdes mis en place (dispositif du surendettement)permettent le sauvetage d’un certain nombre de familles mais pour les situations les plus graves, il est souvent illusoire de vouloir éviter la vente du logement. L’issue est alors soit de quitter le logement après une vente amiable faite en général à perte, soit de subir une vente judiciaire après avoir, bien souvent, fini le logement. Pour ceux qui restent jusqu’à la vente judiciaire, la procédure d’exclusion conclura le désastre d’une accession mal préparée ou mal maîtrisée.

Ces familles sont, après une accession ratée, parmi les plus pauvres. Elles ont perdu au mieux leurs illusions. Elles sont en général traumatisées. Plus graves, elles restent redevables, auprès des établissements financiers, de sommes importantes et si elles n’ont pas pris la précaution de saisir le juge, elles peuvent se voir réclamer ces sommes dans cinq ans, dans dix ans...

Mais une majorité des familles ne résiste pas à l’épreuve, se désagrège, chaque membre du couple tentant de "refaire sa vie". Chacun connaît le coût social de ces familles désunies qui se trouvent brusquement en situation d’exclusion, de marginalisation ou, pour le moins, de précarisation. Les bailleurs sociaux sont souvent leur seule planche de salut.

QUELS ÉCHAPPATOIRES ? DE L’ACCESSION à LA LOCATION

Il existe aujourd’hui diverses procédures permettant pour les situations les moins graves de trouver des solutions : commission de surendettement de la Banque de France, fonds d’aide aux accédants en difficultés. Afin de limiter les ventes judiciaires et de permettre aux familles accédant à la propriété ne pouvant plus faire face aux charges de remboursement des emprunts de se maintenir dans les lieux des formules de changement de statut d’occupation, de l’accession à la location, ont été mises au point. dans la Drôme, le SCL a en charge l’étude de chaque situation dans le cadre de la mission de MOUS (montage d’opérations urbaines et sociales)du CALD (centre d’amélioration du logement de la Drôme)aidée par l’État et le Conseil général de la Drôme.

L’objectif est de maintenir les emprunteurs défaillants dans les lieux en qualité de locataires. Cette action, au cas par cas, demande un partenariat étroit entre tous les acteurs : familles, services sociaux, organismes prêteurs, racheteurs, etc. L’accord de la famille, qui a beaucoup investi financièrement mais aussi moralement, est parfois difficile à obtenir ; l’attachement au statut de propriétaire conçu comme très valorisant étant souvent très fort un accompagnement social avant, pendant et après l’opération est alors parfois nécessaire. Il faut aider les familles à gérer ce qu’elles perçoivent comme un échec.

Les étapes du rachat

Les différentes phases d’une procédure de rachat mise en place par le SCL sont les suivantes :

- obtention d’un accord de principe écrit de la famille qui doit être prête à s’engager dans la procédure ;

- recherche et accord d’un racheteur potentiel, c’est-à-dire d’un organisme à caractère social : organismes HLM et SEM, communes, associations agréées pouvant prétendre à un PLA très social ;

- négociation avec les prêteurs créanciers auprès de qui l’accédant a souscrit des prêts et les organismes racheteurs ;

- base d’un accord tripartite entre :

- la famille : il y aura un loyer résiduel à acquitter (déduction faite de l’APL)plus les charges habituelles (taxe d’habitation, chauffage, électricité, etc.),

- l’organisme racheteur : les recettes (loyer)doivent permettre d’équilibrer les charges (annuités d’emprunts, provision pour grosses réparations, taxe foncière sur les propriétés bâties, assurances, travaux à effectuer),

- les créanciers : ils essayeront d’obtenir le plus petit passif possible.

Trois formes de rachat sont possibles

- le rachat amiable avec accord des trois parties, formule la plus rapide et les plus simple, qui nécessite d’avoir connaissance du dossier le plus en amont possible ;

- la vente judiciaire et le rachat à la barre par l’organisme racheteur ;

- le rachat dans le cadre du droit de préemption d’une commune à la suite d’une vente judiciaire (dans un délai de deux mois).

Mots-clés

accompagnement social, accès au logement, propriété du logement, habitat, logement


, France, Drôme

Commentaire

à ce jour, dix-sept accédants à la propriété en difficultés ont pu bénéficier de la procédure de rachat menée jusqu’à son terme. à noter que trois à quatre fois plus de cas ont été examinés mais n’ont pu aboutir souvent en raison du refus des familles des prêteurs ou faute de racheteurs.

Cette expérience révèle aussi deux phénomènes nouveaux. Concernant la mobilité des ménages, on constate des "retours en arrière" de l’accession vers le locatif, avec augmentation du nombre de séquences de vie (décohabitation et recohabitation, divorces ou séparation et remariages, etc.); ensuite, un véritable risque d’exclusion des ménages accédants est identifié en particulier dans les zones pavillonnaires.

Notes

Jean MAHAUT est Directeur adjoint du SCL (Drôme). Contact : Centre d’Amélioration du Logement de Drôme, 31 rue Faventines, 26000 valence. tél : 04 75 43 74 01

Entretien avec MAHAUT, Jean

Source

Entretien ; Articles et dossiers

CR-DSU=CENTRE DE RESSOURCES SUR LE DEVELOPPEMENT SOCIAL URBAIN, Interventions publiques et chaines du logement in. les Cahiers du CR-DSU, 1995/12 (France), N°9

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