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Afrique tropicale : la sécheresse gagne du terrain

Marie Lise SABRIE

10 / 1996

Depuis la fin des années 1960, les régions du Sahel subissent une sécheresse liée à une importante diminution des précipitations. Les conséquences s’en sont révélées souvent dramatiques. Plus au Sud, là où le climat est plus humide et jusque dans les régions forestières qui bordent le golfe de Guinée, les effets de cette sécheresse se font également ressentir.

Si, dans les régions soudano-sahéliennes, la baisse des précipitations et ses conséquences ont fait l’objet de nombreuses études scientifiques, ce n’est pas le cas dans les pays voisins, plus méridionaux (sud du 14e parallèle). Aussi un programme de recherche a-t-il été lancé au début de l’année 1995 afin d’identifier ces variations climatiques et leurs conséquences sur les ressources en eau en Afrique de l’Ouest et centrale non sahélienne. Baptisé Iccare (Identification et Conséquences d’une variabilité du Climat en AfRique de l’Ouest non SahElienne), ce programme mené par des chercheurs de l’Orstom (Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération)est une composante du projet Friend-AOC (Flow Regimes from International Experimental and Network Data en Afrique de l’Ouest et centrale)du Programme Hydrologique international (PHI)conduit sous l’égide de l’Unesco.

Quelle est l’ampleur de cette fluctuation climatique dans les pays situés au sud du 14e parallèle ? A quel moment est-elle apparue dans cette région ? Quelle est son extension ? A-t-elle touché cette partie de l’Afrique de l’Ouest et du Centre de façon uniforme ? Quelles sont, enfin, les conséquences de la baisse des précipitations sur les régimes des cours d’eau et donc sur les ressources en eau ? Telles sont les interrogations majeures auxquelles le programme Iccare conduit dans seize pays ouest-africains (du Sénégal au centre-Afrique, du Mali au Cameroun)tente aujourd’hui de répondre.

L’intensité et l’extension du déficit pluviométrique ont été étudiées à partir des données recueillies sur 193 stations de mesure réparties sur les seize pays de la zone d’étude. Ces données proviennent des services météorologiques et hydrologiques des pays concernés par ce programme et de la base de données pluviométriques - Pluviom - du centre Orstom de Montpellier. L’ensemble des données rassemblées pour les besoins de l’étude couvre une période allant de 1950 jusqu’en 1989, ces quatre décennies offrant la densité maximale d’informations disponibles.

L’analyse de ces données laisse apparaître que la baisse des précipitations s’est amorcée dès la fin des années 1960, en phase avec ce qui a été observé au Sahel, et s’est intensifiée au cours des années 1980. Cette diminution atteint en moyenne 20% par rapport à la pluviométrie enregistrée auparavant et parfois des valeurs supérieures à 25%, notamment sur la côte atlantique ou dans le Nord, confirmant ainsi que l’Afrique humide subit, elle aussi, un important déficit pluviométrique.

Celui-ci n’a pas touché de manière uniforme l’ensemble de la zone d’étude. Il s’est manifesté dès la fin des années 1960 et au début de la décennie suivante de manière très nette en Guinée, au Liberia, en Sierra Leone au Mali et au Burkina Faso. En revanche, pendant les années 1970, certaines régions en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Nigéria et au Cameroun échappent encore à cette diminution des précipitations. Ce n’est qu’au cours des années 1980 que la diminution des précipitations se généralise tout en pésentant des amplitudes variables : elle s’intensifie fortement à l’Ouest (zones côtières de Côte d’Ivoire, du Liberia et de la Guinée)ainsi que dans les régions Nord, proches du Sahel, tandis qu’à l’est du golfe de Guinée, le Togo, le Bénin, le Nigeria et la République centrafricaine sont moins affectés par ce phénomène.

En l’état actuel des connaissances, il n’est pas facile de déterminer les causes de la sécheresse qui touche depuis un quart de siècle l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest depuis le Sahel jusqu’au golfe de Guinée. Si elles ne sont pas les seules responsables, les activités humaines ont vraisemblablement contribué à accentuer le phénomène. On peut ainsi souligner que la baisse de la pluviométrie dans le sud de la Côte d’Ivoire coïncide avec la déforestation et la mise en culture de cette région.

Bien que l’on n’ait pas à redouter des pénuries totales d’eau dans cette partie de l’Afrique où les précipitations demeurent abondantes en valeur absolue, l’agriculture, l’alimentation en eau potable ou encore la production hydroélectrique pourraient à l’avenir souffrir de cette diminution des ressources en eau. Les prochains volets du programme Iccare - étude de la modification des régimes des cours d’eau liée à la baisse de la pluviométrie, conséquences de la diminution des ressources en eau sur les systèmes d’eau aménagés ou encore modification des relations entre pluie et débit - devraient permettre de mieux appréhender les effets de cette sécheresse.

Mots-clés

recherche, sécheresse, ressources hydriques, climat, déforestation, influence du climat sur l’agriculture, épuisement des ressources hydriques


, Afrique subsaharienne

Notes

Cette fiche est reproduite ici intégralement, conformément à un accord entre la FPH et l’ORSTOM.

CONTACTER : En France, NIEL LUBES, Hélène, Centre Orstom de Montpellier, tél. 04 67 41 62 41 et fax : 04 67 41 18 06, e-mail : lubes@orstom.fr; En Côte d’Ivoire, SERVAT, Ericet PATUREL, Jean Emmanuel, Antenne hydrologique Orstom , Abidjan, Côte d’Ivoire, tél. (00 225)45 00 74/45 41 70 ; fax : 00 225 45 00 76/24 65 04 ; e-mail : servat@adiopo.orstom.ci, paturel@adiopo.orstom.ci

Bibliographie:

- SERVAT, Eric, PATUREL, Jean Emmanuel, NIEL LUBES, Hélène, KOUAME, B., OUEDRAOGO, M., MASSON, J.M., «Climate variability in humide Africa along the Gulf of Guinea. Part one : Detailed Analysis of the Phenomenon in Côte d’Ivoire/ Part two : An Integrated Regional Approach», Journal of Hydrology, 1997, à paraître;

- SERVAT, Eric, PATUREL, Jean Emmanuelet NIEL LUBES, Hélène, «La sécheresse gagne l’Afrique tropicale», La Recherche, septembre 1996.

Source

Articles et dossiers

SABRIE, Marie Lise, ORSTOM=INSTITUT FRANCAIS DE RECHERCHE SCIENTIFIQUE POUR LE DEVELOPPEMENT EN COOPERATION in. Fiche d'actualité scientifique, 1996/11 (France), 28

ORSTOM (Institut Français de Recherche Scientifique pour le Développement en Coopération) - L’ORSTOM a été renommé en 1998. La nouvelle appellation de l’institut est IRD (Institut de recherche pour le développement). - France - www.ird.fr

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