06 / 1996
Le riz nourrit près de la moitié des habitants de la planète et d’ici à 2020 une augmentation de la production rizicole mondiale de 300 millions de tonnes - soit 60% de la production actuelle - sera nécessaire pour assurer les besoins alimentaires de la population du globe. Alors que la majorité des écosystèmes favorables à la riziculture sont déjà plantés en riz, cet accroissement ne pourra être assuré, pour l’essentiel, que par une augmentation des rendements et donc par une utilisation plus importante et efficace des engrais (azote, phosphore, ...)ainsi que des techniques de protection des cultures. Dans les années 1980, de grands espoirs ont été mis dans le recours à certains biofertilisants fixateurs d’azote, et notamment les cyanobactéries libres, pour accroître la productivité des rizières. Ces engrais naturels semblaient en effet constituer une alternative efficace, ou tout au moins pouvoir servir de complément, aux fertilisants chimiques qui peuvent hypothéquer les potentialités de production à long terme et avoir des effets néfastes sur l’environnement. Des recherches menées sur les cyanobactéries depuis 1980 par des microbiologistes de l’Orstom (Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération)en collaboration avec l’IRRI (International Rice Research Institute)laissent aujourd’hui apparaître que l’inoculation de ces bactéries fixatrices d’azote dans les rizières se heurtant à de nombreuses contraintes n’est pas toujours une panacée et qu’il faut dès lors envisager d’autres solutions.
Certaines cyanobactéries - sortes d’algues microscopiques - vivant dans les eaux douces ou marines ainsi qu’à la surface des sols sont capables d’utiliser l’azote de l’air. Ainsi, lorsqu’elles se développent dans l’eau des rizières, elles peuvent accumuler 10 à 30 kilos d’azote par hectare et cycle de culture, et, lorsqu’elles se décomposent, l’azote libérée est réabsorbé par le riz. A titre de comparaison, les riziculteurs asiatiques apportent entre 30 et 90 kilos d’engrais azoté chimique pour un hectare de riz cultivé. Les cyanobactéries n’ont pas pour seul avantage d’offrir de l’azote aux rizières : entre autres effets bénéfiques, elles limitent le développement de mauvaises herbes, enrichissent les sols en matières organiques, ou encore rendent plus disponible le phosphore nécessaire au riz...
Du fait de ces diverses qualités, une technique d’inoculation de cyanobactéries produites à partir de cultures de laboratoire a été mise au point à la fin des années 1970 et appliquée dans quelques rizières (Inde, Egypte, Birmanie). Cependant, rares sont les riziculteurs qui ont aujourd’hui adopté cette technique. Des recherches récentes conduites par l’Orstom et l’IRRI ont en effet révélé que ces micro-organismes, présents naturellement dans les sols de toutes les rizières, voient leur développement limité par un certain nombre de facteurs, et plus particulièrement le manque de phosphore des sols, la présence de prédateurs (micro-crustacés, larves d’insectes)ou encore l’épandage d’engrais azoté chimique dans l’eau des rizières, qui modifie l’écosystème et inhibe la croissance des cyanobactéries. Ces études ont par ailleurs démontré que, sur un hectare de rizière, les cyanobactéries indigènes peuvent être dix à cent fois plus nombreuses que celles contenues dans dix kilos d’inoculum, quantité recommandée pour fertiliser une telle surface.
En l’état actuel de ces connaissances, il apparaît donc préférable, pour exploiter au mieux le potentiel agronomique des cyanobactéries fixatrices d’azote, de favoriser le développement des souches autochtones dans les rizières par certaines techniques de gestion intégrées (apport de phosphore et lutte contre les prédateurs par exemple)plutôt que d’inoculer des souches sélectionnées en laboratoire. Des études in situ ont ainsi récemment montré qu’enfouir l’engrais azoté de synthèse dans les sols des rizières conduit à tirer un plus grand profit des cyanobactéries indigènes. Cette pratique offre un triple avantage : elle permet une meilleure fixation de l’azote par les cyanobactéries autochtones (apport de 5 à 30 kg d’azote par hectare), elle contribue à diminuer les pertes d’azote consécutive à la volatilisation de l’ammoniaque (celles-ci peuvent atteindre 50% de l’engrais chimique épandu)et évite la prolifération dans l’eau des rizières de larves de moustiques, vecteurs de nombreuses maladies (paludisme, encéphalites, etc.)
riz, fertilisation du sol, protection des récoltes, recherche
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Contacter ROGER, Pierre, Laboratoire de microbiologie Orstom, université de Provence CESB
ESIL, 163 avenue de Luminy, 13288 Marseille Cedex 9, tél. (16)91 82 85 72, fax. (16)91 82 85 70, e-mail : rogerpa@esil.univ-mrs.fr
Publications : P.A. Roger, Biology and Managment of the Floodwater Ecosystem in Ricefields, Orstom/IRRI, 1996; P.A. Roger, "Les biofertilisants fixateurs d’azote en riziculture : potentialités, facteurs limitants et perpectives d’utilisation", Bas fonds et riziculture, Cirad, 1993.
Articles et dossiers
SABRIE, Marie Lise, ORSTOM=INSTITUT FRANCAIS DE RECHERCHE SCIENTIFIQUE POUR LE DEVELOPPEMENT EN COOPERATION in. Fiche d'actualité scientifique, 1996/06 (France), 16
ORSTOM (Institut Français de Recherche Scientifique pour le Développement en Coopération) - L’ORSTOM a été renommé en 1998. La nouvelle appellation de l’institut est IRD (Institut de recherche pour le développement). - France - www.ird.fr