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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Le mouvement des femmes en Uruguay et l’Etat

Mabel GABARRA

10 / 1995

Cette fiche résume une partie de l’intervention de Carmen TORNARIA, de la Fondation plénière des femmes d’Uruguay, lors du Séminaire-atelier "Les mouvements de femmes aujourd’hui en Argentine, Brésil, Chili, Paraguay, Uruguay" organisé à Buenos-Aires en juillet 1993, par le Réseau régional de communication entre femmes.

Le mouvement des femmes en Uruguay est confronté à une alternative dans ses relations avec l’Etat. Comme le montre Evers, d’un côté conquérir des lieux de pouvoir dans la structure dominante avec le risque de s’y perdre, de l’autre nourrir une identité autonome au prix d’un affaiblissement. L’Etat a la capacité de donner une dimension publique large à des demandes et des revendications précises, contribuant ainsi à modifier la vision de la société sur la situation des femmes. En Uruguay, il existe un Institut de la femme, aujourd’hui Institut de la famille et de la femme, un Commissariat des femmes à Montevideo et deux autres dans l’intérieur du pays. Il y a également un numéro de téléphone public de soutien aux femmes victimes de violences. Ces réponses étatiques ne sont sans doute pas étrangères à la pression exercée par le mouvement des femmes.

L’alternative dont parle Evers, au-delà d’une simple crainte du mouvement vis-à-vis d’une intégration étatique, fait apparaître une contradiction fondamentale. En effet, les mesures adoptées par l’Etat le sont dans la plupart des cas de manière autoritaire, sans consultation préalable. La mise en place d’un numéro de téléphone public par la municipalité de Montevideo constitue peut-être la seule exception, cette proposition ayant pris forme grâce à la participation des divers groupes de femmes. Les relations du mouvement avec l’Etat évoluent dans un équilibre instable. Il ne pourrait en être autrement puisque le mouvement parie sur un changement de la logique relationnelle de la société et que celui-ci inclut l’Etat. L’Etat reprend quelques-unes des demandes ponctuelles du mouvement, mais dans une perspective totalitaire, alors que ces demandes, prises dans leur ensemble, remettent en question les bases traditionnelles du pouvoir, c’est-à-dire les bases-mêmes du fonctionnement de l’Etat.

C’est là que réside le noeud du débat. La confrontation et le dialogue avec l’Etat constituent un axe de la stratégie politique du mouvement qui vise non seulement à briser les relations de discrimination, mais aussi à démocratiser l’Etat lui-même.

La tension et la complexité du problème nous amènent -comme le montre Judith Astelarra- à rechercher de nouvelles formes qui permettent de faire face à la disproportion entre la structure organisationnelle du mouvement féministe et son impact social. Il s’agit d’affronter la complexité et la multiplicité du pouvoir dans la vie quotidienne et dans nos propres espaces, sans perdre pour autant le sens de la globalité. Penser le pouvoir du point de vue des femmes implique un profond sens pratique, clair et immédiat, pour développer la capacité de transformer les revendications en propositions concrètes ; pour cela, la pression politique du mouvement et l’action des femmes dans les sphères publiques de décision sont vitales. Les revendications se heurtent dans la sphère publique à des structures imprégnées de la logique de domination, logique que le mouvement essaie de rompre. Ainsi, le mouvement, bien qu’il sache qu’une loi ne suffit pas, comprend qu’elle soit nécessaire et qu’elle constitue un des objets de pression ou de dialogue avec l’Etat. Des questions comme la responsabilité des enfants lors de la séparation d’un couple ou comme la violence domestique rendent nécessaire une modification, non seulement des lois, mais également de l’attitude de ceux qui ont la charge de leur interprétation et de leur application : le pouvoir judiciaire et la police. Le dialogue avec l’Etat contribue à transformer les questions de femmes en questions de société, ce qui, outre l’amélioration de la situation des femmes, modifie la logique de domination profondément ancrée dans la société.

Mots-clés

organisation de femmes, Etat et société civile, autonomie, pouvoir, pression sociale


, Uruguay

dossier

Quand les femmes se mobilisent pour la paix, la citoyenneté, l’égalité des droits

Commentaire

Les aspects conflictuels de la relation du mouvement des femmes uruguayen avec l’Etat se retrouvent dans les autres pays de la région avec des caractéristiques similaires, parfois à des étapes différentes. Ce qui est sûr, c’est que le débat sur la question se poursuit sans qu’une voie soit trouvée qui puisse servir à tous dans le processus de transformation.

Notes

Fiche originale en espagnol, traduite par Claire TARRIERE (RITIMO-CEDIDELP), MFN 4753.

Source

Livre

TORNARIA, Carmen, Movimiento de mujeres hoy en Uruguay, Red de Comunicación, 1994/04 (URUGUAY)

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