Dix ans de boulersements sociaux et économiques ont été impulsés par la perestroïka, en 1985. Trois générations ont traversé cette période : les 20, 40 et 60 ans. L’opinion publique se montre contrastée lorsqu’elle juge ces événements : l’âge apparaît comme variable essentielle dans l’explication de la nature et de la profondeur des mouvements sociaux apparus durant cette période.
Cette étude est basée sur les données recueillies lors de trois sondages de même type en novembre 1994, janvier et mars 1995. Pour les besoins de l’étude, les tranches d’âge sont fixées à 5 ans.
A la question portant sur le jugement de l’affirmation "cela irait mieux si tout était resté comme avant 1985", les répondants se séparent en avant et après 40 ans dans une proportion de 1 pour 2. Au delà de 40 ans, plus l’âge augmente, plus la proportion d’avis positifs est élevée. Cet âge charnière n’est cependant pas un cas unique. La barrière des 60 ans est preceptible lors de l’étude des réponses à la question : "la perestroïka a-t-elle eu avant tout des effets négatifs ou positifs?" : alors que dans toutes les classes d’âge, le non l’emporte, l’écart entre les deux jugements s’élargit. il passe de 15 points chez les 25 ans à 55 points chez les 65 ans. La présence du terme "perestroïka" dans la question posée exerce une forte influence sur les réponses. Il convient de ne pas utiliser ce terme si l’on cherche à évaluer les effets de cette période. Par exemple, la question : "la liberté d’opinion et de la presse ont-elles eu avant tout des effets négatifs ou positifs?" révèle clairement une fracture entre les moins et les plus de 60 ans. Ces derniers ont tendance à donner autant de jugements négatifs que positifs, alors que, jusqu’à 60 ans, l’écart est grand en faveur des jugements positifs. De même, la liberté de mouvement suscite des opinions plutôt négatives à partir de 60 ans. L’âge charnière est fixé à 50 ans pour la question de la libre entreprise. En ce qui concerne les réformes économique, les moins de 40 ans jugent plus souvent qu’elles doivent être maintenues. La frontière des 40 ans apparaît également en réponse à la question de la préférence d’un système distributif planifié ou de marché.
L’influence des termes employés dans les questions posées s’avère une nouvelle fois déterminante lorsque la jugement sur les relations avec l’Occident est suscité. Alors que le rapprochement avec les pays de l’Ouest est jugé majoritairement positif par toutes les tranches d’âge, l’affirmation "l’Occident tente de transformer la Russie en colonie" est beaucoup plus soutenue chez les plus de 20 ans, pour atteindre un écart de 60 points chez les sexagénaires.
Deux générations semblent particulièrement constituer les "déçus" de la perestroïka : les 60-69 ans et les 40-44 ans. La déception s’exprime dans ces catégories autour de 23% des opinions exprimées, alors que les classes d’âge voisines rallient seulement de 7 à 18% de "déçus". Les causes de ce sentiment de déception séparent les deux catégories indiquées. Chez les plus de 60 ans, deux facteurs sont importants : c’est d’abord évidemment la classe d’âge caractérisée par une forte mémoire de la société; c’est ensuite ceux qui correspondent à la génération qui s’est politiquement engagée dans les années 60. Deux causes expliquent donc la déception chez les séxagénaires : la nostalgie ou le traumatisme d’espoirs déçus. L’attitude des 40-44 ans s’explique différemment. Le problème de la pauvreté, de la difficulté de s’en sortir semble traumatiser de façon plus aigue cette tranche d’âge qui montre autant de "déçus" des bouleversements sociaux que des changements intervenus dans leur vie personnelle.
opinion publique, transition politique, différenciation sociale, changement social
, Russie
Cette étude est effectuée par le centre le plus célèbre de Russie.Le directeur de ce centre, et auteur de la présente étude, Iouri Levada, est un des sociologues russes les plus célèbres. La qualité incontestable des sondages publiés ne doit pas occulter le fait que ce centre est plutôt identifié comme favorable au pouvoir en place. Ces données sur la perestroîka sont intéressantes car elles peuvent aider à comprendre la politique menée tant par le Président actuel que par l’opposition communiste vis-à-vis des "déçus" de la perestroïka.
Les titres des documents cités dans cette fiche ont été traduits du russe ou transcrits en caractères latins. Pour toute recherche, s’informer auprès de France-Oural.
Articles et dossiers
LEVADA, Iouri, Centre russe d'étude de l'opinion publique, Les trois "générations perestroïka", Aspekt Press in. Changements économiques et sociaux, 1995/O5 (RUSSIE), 3
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