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Les activités de la Fondation Le droit des mères

Une association russe face aux tragédies militaires, 1990-1997

Arthur MALININE

03 / 1997

Dans l’effervescence des dernières années de la libéralisation politique et sociale déclenchée par M.Gorbatchev en URSS, plusieurs associations de défense des soldats se créent, suite aux révélations sur le sort des conscrits publiées dans la presse. La création de la Fondation "Le droit des mères", en 1990, est typique de la période. La Fondation voit le jour à l’initiative d’une jeune journaliste du magazine "Jeunesse", ayant réalisé un reportage à la suite du décès d’un jeune conscrit dans l’armée. Cette journaliste, Veronika Marcenko, crée son association pour défendre les droits et les intérêts des parents ayant perdu un fils à l’armée. Dès l’origine, la Fondation oriente son action vers l’aide aux parents et non vers la recherche de conscrits disparus ou la lutte contre le service militaire.

Au fil des années, les activités de la Fondation se développent. En 1996, quatre grands types d’action les caractérisent. Tout d’abord, l’activité la plus importante est l’aide juridique aux parents. La Fondation organise des consultations juridiques dans ses locaux, par teléphone et par correspondance. Pour l’ensemble de l’année 1995, elle affirme avoir reçu 1500 lettres de parents à la recherche de conseils.

Sa seconde activité est la publication de livres à la mémoire des soldats décédés en temps de paix. Trois livres de ce type, qui regroupent photographies et biographies des défunts, ont déjà été publiés. Ces livres de la mémoire sont un hommage aux jeunes soldats décédés mais aussi une remise en cause des autorités militaires et politiques, silencieuses face aux décès dans l’armée, et une réponse au livre de la mémoire publié par les autorités soviétiques pour glorifier les soldats morts au champ d’honneur en Afghanistan au début des années 1980.

La troisième activité de la Fondation est la publication d’une lettre mensuelle d’information, publiée à 500 exemplaires. Cette lettre contient des témoignages susceptibles d’avoir valeur d’exemple pour d’autres parents.

Enfin la Fondation réalise un rapport annuel, fruit de ses recherches sur la situation dans l’armée.

En 1996, la Fondation "Le droit des mères" publie son rapport, intitulé "Les violations des droits de l’homme dans l’armée russe en 1995". Le rapport insiste sur l’absence de droit au service alternatif pour les jeunes Russes. Tous les Russes entre 18 et 27 ans sont obligés d’effectuer un service militaire et de porter les armes. En ce qui concerne les décès dans l’armée, la Fondation constate que les autorités militaires n’annoncent jamais les raisons du décès mais seulement ses circonstances (parfois vraie, et parfois fausses). Or, la version officielle de la mort d’un soldat affecte le droit de ses parents à recevoir une pension. Dans 90% des cas, les parents doivent effectuer des recherches eux-mêmes. Une fois qu’ils disposent des informations sur les causes réelles du décès de leur fils, ils doivent demander l’application de leurs droits. En 1995, la Fondation "Le droit des mères" est intervenue dans 200 cas de ce type.

Dans son rapport, la Fondation affirme qu’elle a constaté en 1995 une augmentation du nombre d’étudiants tués dans l’armée, ce qui constitue la perte d’un potentiel intellectuel et professionnel important pour l’ensemble du pays.

Enfin, la guerre en Tchétchénie a considérablement accru les risques encourus par les conscrits. Depuis le déclenchement de la guerre en Tchétchénie, les conscrits sont envoyés au combat sans leur accord. Il semble que l’Etat et les responsables militaires n’enregistrent pas tous les décès. En un an et demi de guerre, les informations relatives aux pertes en Tchétchénie n’ont jamais été publiées dans les publications officielles et la liste des décès n’a jamais été annoncée. D’autre part, l’Etat ne s’est jamais penché sur le problème des disparus. Il n’y a pas d’informations sur le nombre de disparus et leurs parents ne peuvent bénéficier d’aucune compensation.

Le rapport de la Fondation "Le droit des mères" illustre l’arbitraire de l’Etat russe à l’encontre des conscrits qui ne bénéficient d’aucun droit. Les mères ne peuvent se retourner vers cet Etat pour faire valoir leurs droits. Elles envisagent aujourd’hui de se tourner vers la Commission européenne des droits de l’homme des Nations-Unies.

Mots-clés

association, réhabilitation des victimes, respect des droits humains, militaire, armée


, Russie

Commentaire

L’action de la Fondation "Le droit des mères" se caractèrise par sa rigueur. Cette rigueur est loin de l’action parfois brouillonne des autres associations de défense des soldats. On note une tendance à la professionnalisation de la Fondation, qui emploie un juriste un plein temps et a récemment recruté une secrétaire de presse. La Fondation gagne en efficacité mais perd en proximité avec les gens qu’elle aide.

Notes

Entretien avec ALENICEVA, Lioubov

Source

Entretien ; Texte original

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