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L’activité de l’Association de Défense des Entrepreneurs Condamnés à Moscou

De la dissidence au lobbying institutionnel, de la fin des années 70 au début des années 90

Maria ALEXANDROVITCH

05 / 1996

Entre 1978 et 1980, des économistes et des juristes, sous l’égide de V. Sokirko, éditent sous forme de samizdat, une brochure régulière : "Pour la défense des libertés économiques": onze numéros tirés à quinze exemplaires. V. Sokirko n’échappe pas à la répression, sans être fort soutenu par les dissidents classiques qui luttent pour la liberté d’association, de religion, d’aller et venue etc. : il est condamné à plusieurs mois de prison pour "calomnie de l’édification soviétique", puis effectue sa traversée du désert durant la première moitié des années 80.

La glasnost, orchestrée par M. Gorbatchev, donne l’occasion à V. Sokirko de reprendre son combat. Il crée le Groupe, puis la Société de défense des entrepreneurs condamnés et des libertés économiques. Son objectif est de réhabiliter les personnes condamnées sous Brejnev et Andropov pour des activités considérées dans le code pénal soviétique comme criminelles mais relevant, selon lui, d’un esprit d’entreprise proche du fonctionnement des économies de marché. La Société examine les dossiers, les procédures d’enquête et les procès dont ces entrepreneurs font l’objet, donne son avis ou celui d’experts compétents et fait pression pour que leur cas soit réexaminé. De nombreux économistes et juristes soutiennent cette initiative et donnent leur avis sur les affaires .

L’activité de l’association s’accroît au moment du lancement des réformes économiques en URSS, à la fin des années 80 et au début des années 90. Certaines pratiques économiques, considérées jusque là comme criminelles, sont désormais encouragées : l’entreprise privée, les transactions de devises étrangères... V. Sokirko se consacre à faire sortir de prison les personnes condamnées pour des délits n’existant plus. Ses résultats ne sont pas négligeables, puisque 300 condamnés sont libérés avec l’aide de sa Société.

A partir de 1993, la Société de défense des entrepreneurs condamnés se heurte à deux problèmes : d’une part, sa vocation est remise en question par l’amnistie décrétée pour les personnes condamnées selon des articles retirés du code pénal (spéculation, opérations en devises, entreprise privée...); d’autre part, elle attire la sympathie des groupements politiques pronant un libéralisme dur (Parti de la Liberté Economique, en particulier). Si cette sympathie est compréhensible, elle n’en pose pas moins un problème de conciliation entre la vocation humaniste du projet de base et son interprétation libérale. La Société se trouve donc confrontée à un problème d’identité. Il semble désormais qu’elle souhaite assurer un rôle d’observatoire des relations entre l’Etat russe et les pratiques économiques et dénoncer les injustices dans l’accès à la libre entreprise.

Mots-clés

répression, rôle de l’Etat, groupe de pression, réforme de la législation, réforme du système judiciaire


, Russie, Moscou

Commentaire

La dissidence en URSS dans les années 70 ne concerne pas que les aspects traditionnels de la défense des droits de l’homme : liberté de pensée, de religion, d’association... Marginale dans le paysage de la dissidence soviétique, la lutte pour la défense de la liberté d’entreprise existe.

L’action menée par V. Sokirko et sa femme étonne par sa détermination et ses résultats. Ils ont su s’entourer d’experts renommés (V. Abramkin, G. Padva, A. M. Iakovlev...)qui leur donnent une crédibilité respectable.

Notes

Depuis 1993, la Société de Défense des Entrepreneurs Condamnés édite une brochure à la parution irrégulière : "Défense des libertés économiques et de l’activité commerciale". L’entretien a été réalisé avec V. Sokirko en juin 1995, à son domicile à Moscou.

Entretien avec SOKIRKO, Viktor

Source

Entretien ; Texte original

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