L’exportation de matières premières brutes prive Madagascar d’une source d’emplois et de valeur ajoutée locale
09 / 1996
La crise de l’économie malgache remonte au début des années 1970. Elle se traduit par l’amputation du niveau de vie de la population. Le PIB aurait en effet diminué de plus de 40 % depuis 25 ans. Ce pays se caractérise par l’extension de la très grande pauvreté (0,2 paires de chaussures par habitant et par an)par le sous-emploi et le gaspillage aussi bien des ressources humaines que naturelles, que de nombreux exemples illustrent.
- La corne de zébu (il y aurait 10 millions de zébus à Madagascar), la corne blanche en particulier, est en train de devenir une matière très prisée par l’artisanat asiatique, par suite de la disparition rapide de l’ivoire. Or, de manière paradoxale, les artisans malgaches éprouvent beaucoup de difficulté à se procurer cette matière : ils doivent aller la quémander auprès de bouchers. Une importante commande du fabricant français de couteaux Opinel, prêt à acheter un nombre très important de manches en corne a dû être refusée faute de matière disponible en quantité suffisante. Car les cornes de zébu, au lieu d’être transformées sur place pour devenir source d’emplois, de revenus et de devises, sont exportées à l’état brut au profit d’artisans étrangers ainsi que d’exportateurs malgaches en situation de monopole.
- Les pierres précieuses ou semi-précieuses. On propose dans les rues et les vitrines de la capitale des pierres précieuses ou semi-précieuses ouvragées : articles de bijouterie, jeux du solitaire. Tout cela demeure très en-deçà du potentiel malgache car les exportations (légales, officieuses ou clandestines)absorbent l’essentiel de la production, au détriment de l’artisanat. L’exemple de la Thaïlande où le travail des pierres d’origine locale ou importées a créé depuis quelques années des dizaines de milliers d’emplois à faible coût unitaire, suggère l’importance potentielle d’un tel "gisement" moyennant la substitution à l’exportation d’un produit brut, l’exportation de produits à haute valeur ajoutée, à fort contenu en emplois et en devises.
La Thaïlande offre également l’exemple de la soie où les savoir-faire de l’élevage du ver à soie jusqu’au tissage ont été sauvés de justesse il y a trente ans, alors qu’ils allaient disparaître. Des appuis systématiques ont redonné vigueur à la production et au travail de la soie qui emploient actuellement plusieurs dizaines de milliers de personnes. Or la soie est un produit traditionnel à Madagascar (fabrication de linceuls). Malheureusement, la fabrication de tissus de qualité a disparu depuis un siècle, alors qu’il existe le potentiel disponible dans ce domaine.
Un autre exemple montre la disponibilité des Malgaches pour de nouvelles activités. La brasserie malgache vient en effet de créer une malterie, ce qui entraîne la culture de l’orge. Au bout de 5 ans de vulgarisation, cette culture nouvelle intéresse dans la région centrale 2.700 agriculteurs qui ont récolté l’équivalent de 3 tonnes par hectare d’orge, ce qui assure à chacun un chiffre d’affaires correspondant aux 3/4 du SMIG annuel. L’exploitation de gisements d’emplois accessibles et peu coûteux permettrait de déboucher rapidement sur la création d’emplois dans la petite, moyenne et grande industrie.
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, Madagascar
Madagascar, un des pays les plus pauvres du monde, dispose d’immenses potentiels, en particulier humains. Leur mise en valeur dépend d’une cohérence politique qui, malheureusement, fait défaut.
Rapport
JUDET, Pierre, Stratégies d'industrialisation. Rapport de mission au BIT, 1991 (France)
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