Ou comment commercer tout en imposant ses propres règles
09 / 1996
Sur la route de Siam, l’Ambassade de Louis XIV fait escale à Batavia (aujourd’hui Djakarta)dans les Indes Néerlandaises. L’Abbé de Choisy raconte : "Il arriva encore hier au soir trois vaisseaux de la Côte de Coromandel. Il en partit en même temps quelques-uns pour le Japon. On les accommode exprès : ils n’ont point de figures à la poupe ni à la proue, parce que les Japonais croient que les autres nations ne mettent des figures que pour se moquer de leurs idoles. Or, ces Japonais traitent assez cavalièrement les étrangers : il n’y a que les Hollandais qui aient commerce avec eux, et voici comment. Dès que leurs vaisseaux sont arrivés, les Japonais viennent à bord, pour porter à terre les mâts, les viles et les cordages, dressent un état de toutes les marchandises, les font conduire dans leurs magasins, y mettent le taux, sans consulter les Hollandais et leur apportent de l’or pour les payer. Quand cela est fait, les Hollandais attendent dans leur comptoir ou sur leurs vaisseaux, que la saison de partir soit venue, sans avoir commerce avec personne : on leur rend leurs mâts et leurs voiles et ils reviennent à Batavia. Il est assez bon de remarquer que les Japonais ne veulent point que le Chef ou Président du comptoir hollandais y demeure plus d’un an : et à cause de cela on nomme toujours à Batavia trois présidents du Comptoir du Japon, un qui est actuellement, un qui est en chemin pour y aller et l’autre qui se repose à Batavia ; et le même y peut retourner plusieurs fois pourvu qu’il ait été deux années dehors. Ce sont des manières un peu dures pour une nation si puissante aux Indes ; mais ils en souffriraient encore davantage par l’espoir du gain. Quarante mille écus de marchandises leur valeur au moins cent mille écus en or ; et cet or qui est fort bon, ils le reportent sur les côtes du Bengale où le profit est encore plus grand. Pour le Président, il peut dans son année, en vivant comme un capucin, gagner cent mille écus. Contez, je vous prie, que je n’exagère point et que j’aime mieux dire moins que plus : je suis toujours en garde là-dessus".
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, Indonésie, Japon
Le Japon a donc une vieille tradition de gestion de l’ouverture qui lui permet d’acquérir ce dont il a besoin à l’étranger sans jamais renoncer à contrôler cette ouverture depuis les marchandises hollandaises au XVIIe siècle jusqu’aux investissements étrangers directs de la fin du XXe siècle.
Livre
CHOISY, Abbé de, Journal du voyage de Siam fait en 1685-1686, Duchartre et Van Buggenh, 1930 (France)
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