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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

La myopie européenne à propos de l’Asie

Pierre JUDET

09 / 1996

La myopie des prévisions a été générale, chaque fois qu’il s’est agi d’identifier les croissances économiques en émergence. A propos de la République de Corée d’abord. A la fin des années 1950, après la guerre de Corée, on pouvait lire dans les journaux américains qu’il n’y avait rien à attendre de Coréens qui n’étaient même pas capables d’entretenir correctement les véhicules qu’on leur donnait...

A propos de la Tunisie ensuite où en 1955, date de l’autonomie interne, on pouvait lire en conclusion d’un ouvrage testament, "La Tunisie est un pays surindustrialisé. Il est temps qu’elle revienne à sa vocation agricole". Or, la population manufacturière de la Tunisie de 1955 comptait 30.000 personnes, soit quinze fois moins que la Tunisie de 1990.

A propos du Japon de 1959, la myopie devient rétrospectivement cécité. Le Japon était en effet classé à cette date dans la catégorie des pays dits sous-développés. Selon Lacoste, "l’exiguïté des ressources ne permet pas de faire face à l’accroissement de la population, en raison de son exiguïté insulaire, de son relief montagneux, de la médiocrité relative des richesses du sous-sol et des perspectives assez limitées de développement économique, le Japon apparaît comme un pays où l’on ne peut guère s’attendre à des progrès considérables de la production".

On se demande aujourd’hui comment de telles affirmations ont pu être formulées en 1959 alors que, dès 1951/52, l’économie japonaise était entrée dans une phase longue de croissance rapide et que la fin des années 1950 marquait le lancement du projet de train à grande vitesse inauguré en 1964, alors que Tokyo organisait les Jeux Olympiques et que se diffusaient à vive allure les produits de l’électronique.

La croissance japonaise a été si rapide qu’il a bien fallu sortir de la catégorie des sous-développés un pays qui, dans la foulée des Jeux Olympiques de Tokyo était admis à l’OCDE. On a pourtant assisté depuis cette date à un combat d’arrière-garde mené pied à pied avec une sorte d’acharnement.

La Bande des Quatre ?.. Les tous nouveaux pays industriels ?.. On a cherché la parade en prétendant qu’on était en présence "d’un phénomène d’industrialisation dans le sous-développement". Ou encore, on a prétendu qu’il s’agissait d’exceptions (coréenne et taïwanaise)qui confirmaient la règle, à savoir l’impossibilité d’échapper au sous-développement autrement que par une franche rupture avec le marché mondial capitaliste.

De toute façon, selon I. Sachs (1987)"Il n’y a pas de place dans l’économie mondiale pour de nouveaux Japon, ni même pour une nouvelle "Bande des Quatre"... pour ne rien dire de la vulnérabilité à laquelle s’exposent des pays fortement dépendants de l’accès aux marchés des pays industrialisés. Il est irresponsable de projeter les performances passées de NPI et de pays de l’ASEAN (Association of Southest Asian Nations)dans l’avenir et, plus encore, de les présenter comme un modèle à suivre par d’autres pays en développement".

Mots-clés

mondialisation, développement économique, nouvel ordre économique international, croissance économique, prospective, développement industriel, accès au marché, marché mondial, conception du monde, ASEAN


, Asie, Europe, Corée du Sud, Tunisie, Japon

Commentaire

Etranges tentatives pour colmater les brèches, comme s’il s’agissait de se protéger contre une vague de fond menaçant d’emporter un précieux édifice de certitudes fragiles.

Notes

Intervention de Pierre Judet dans le cadre du colloque "Nouveaux dynamismes industriels et économie du développement" organisé par l’IREPD les 20 et 21 octobre 1994 à la faculté des sciences sociales de Grenoble

Source

Compte rendu de colloque, conférence, séminaire,…

JUDET, Pierre, Actes du colloque IREPD Recherche, 1995 (France)

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