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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Ecrire librement

Gérard ROSSELET

12 / 1996

Qu’est-ce que le fait d’écrire ? Pourquoi avoir besoin d’écrire ? J’aurais très envie de répondre à ces questions, tellement générales qu’elles me permettraient de noircir plusieurs volumes !. J’aime donc écrire ! Mais pour qui ? Mais où et comment ?

Voilà deux questions qui vont me permettre d’évoquer une expérience de vie très riche, très revalorisante pour moi, et que d’autres peuvent vivre, à leur manière, et dans d’autres domaines. Français, né au milieu du vingtième siècle, j’ai ressenti très jeune (11 ou 12 ans)le besoin d’imaginer des histoires, des images, des dialogues, des scènes, des situations, des monologues, des jeux de mots, des phrases, etc Pour des raisons autobiographiques qui n’ont pas leur place ici, je me suis toujours trouvé bloqué, et je n’ai "écrit" très longtemps que dans ma tête. J’avais toutes les envies du monde de m’exprimer, mais pas de moteur. Un marin qui possède un bateau, mais pas de tissu pour confectionner sa voile. Un naufragé pour cause de sauvagerie, de peur des autres. Je restais sur les rivages de mon île déserte. Il a bien fallu, à la fin, que je me pose les questions concrètes : - Comment sortir de mon isolement et de ma passivité ? - Comment trouver des gens pour qui et avec qui écrire ?

Et j’ai trouvé, à la fois par un hasard heureux et parce que je m’étais mis à chercher vraiment, une structure qui m’a aidé pour commencer à sortir de ma prison : ça s’appelle "Réseaux d’Echange de Savoirs". On apporte (on propose d’abord)un ou des savoirs (il en existe des milliards)à une ou plusieurs personnes, et on reçoit un ou plusieurs savoirs de personnes appartenant à ces réseaux d’échanges, sans question d’argent. Je ne m’étends pas sur le reste de la théorie, aussi pertinente soit-elle : c’est la façon positive dont j’ai vécu les réseaux d’échanges de savoirs de Chelles (en île de France, près de Paris)qui, en dernière analyse étaye et justifie la théorie de leur fonctionnement.

Donc je me suis inscrit, en septembre 1995 (mieux vaut tard que jamais !)à l’atelier d’écriture - plus précisément au groupe d’expression écrite - du réseau d’échanges de savoirs de Chelles. Je ne cherchais pas vraiment à intégrer un réseau d’échanges de savoirs, je cherchais à me donner des "moyens" humains d’écrire. Mais il se trouve que c’est bel et bien le fait que cet atelier d’écriture fonctionne avec la philosophie très humaine et tolérante d’un réseau d’échanges de savoirs qui a commencé à me faire sortir de ma réserve oppressante. Evoquer, avec les quelques mots qu’il faut, ma première séance dans cet atelier suffirait à retracer l’essentiel de cette expérience de libération. Il y avait des gens que j’ai très vite appréciés et aimés, mais que cette fois-là je ne connaissais pas. J’étais mort de terreur à l’idée que j’allais être forcément ridicule.

Après quelques exercices, dits d’échauffement", en fait destinés à établir des relations de confiance avec les autres (et avec soi-même !), nous avons fini en écrivant un texte sur la fête. Il m’a bien semblé élucubrer et scribouilleur sur cette fête que je n’ai jamais connue et toujours voulue, et je ne suis pas encore si sûr que c’était si bien que ça, si "puissant" que ça !? Mais les autres semblaient réellement heureux d’avoir écouté ce que je ressentais comme un résidu honteux de narcissisme. Et moi j’avais été à la fois heureux et impressionné par leurs textes, sortis d’un jet de leurs coeurs, et offerts sans réserve inutile, lus avec émotion et confiance.

A partir de là, j’ai commencé à me sentir libre de m’exprimer. Parce que j’étais enfin rattaché à d’autres (à Renée, à Aline, plus tard à Koudédia et Marie-Ange). J’écrivais pour d’autres. D’autres qui en même temps me donnaient le droit d’écrire pour moi seul, tout ce que je voulais. D’autres qui, par ricochet, m’ont donné envie de peindre, de sculpter, et de leur apporter ce que je savais le mieux faire : nager, leur donner envie de courir, de bouger, etc. Je sais maintenant vraiment pourquoi un tout petit enfant qui écrit ou dessine pour faire plaisir à d’autres, qu’il respecte et dont il est respecté, est un enfant qui deviendra libre, et peut-être même heureux. Dans un tel Réseau d’Echanges de Savoirs, il a été pour moi productif et libérateur de me sentir redevable de quelque chose : Je dirais, pour essayer d’être clair, redevable à 51% envers moi-même, c’est-à-dire moralement obligé de poursuivre mon effort de libération (mais quelle douce obligation !), et "redevable" à 49% envers les autres, c’est-à-dire tenu d’essayer de leur transmettre cette philosophie, humaine et tolérante, propre aux Réseaux d’Echanges de Savoirs. Mais une telle "redevance" s’inscrit aussi dans mon propre effort de libération. L’un et les Autres ne sont ni dissociés ni dissociables.

L’atelier d’écriture qui est très demandé en ce moment dans le Réseau est souvent utilisé comme un exutoire, mais il est aussi un lieu où on ose, car la règle est de ne jamais discuter de ce qui est dit, mais du comment cela est dit. Il est donc une formidable espace de liberté et de parole qu’elle soit orale ou écrite.

Mots-clés

échange de savoirs, réseau d’échange de savoirs, réseau de citoyens, réseau d’échange d’expériences


, France

Notes

Le MRERS est une association créée par Claire et Marc HEBER SUFFRIN en 1985 et qui fonctionne sur un mode de réciprocité ouverte, chaque participant étant à la fois offreur et demandeur de savoirs. Les fiches ont été produites dans les ateliers d’écriture de ce réseau.

Source

Récit d’expérience ; Texte original

(France)

MRERS (Mouvement des Réseaux d’Echanges Réciproques de Savoirs) - B.P. 56. 91002 Evry Cedex, FRANCE - Tel 01 60 79 10 11 - France - www.mirers.org - mrers (@) wanadoo.fr

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