07 / 1997
L’Amérique latine est actuellement submergée par une vague néo-libérale. Toutes les politiques économiques y ont puisé leur inspiration. Présentée comme la solution miracle, la politique d’ajustement économique n’a-t-elle pas aggravé une situation déjà préoccupante ? Autrement dit, n’est-elle pas responsable de la progression de la pauvreté dans le continent sud-américain ? Pourtant la presse, qui met l’accent sur l’amélioration de la conjoncture économique, le relatif calme social tendrait à accréditer l’opinion contraire. Comment expliquer ce paradoxe ?
Pour répondre à cette question, il serait nécessaire de faire un tour d’horizon des problèmes socio-économiques de l’Amérique latine : la dette, l’extension de la narco-économie, la situation du secteur informel, le rôle de l’Etat et des pouvoirs publics, la situation sociale enfin.
Pour notre part, nous nous attacherons plus particulièrement à la situation socio-politique et aux rapports économiques entre l’Europe et l’Amérique latine.
A première vue, la situation politique latino-américaine est paradoxale. En effet, on assiste à une extension de la démocratie. Cela devrait entraîner pour les syndicats et les partis politiques un rôle accru. Or à quoi assiste-t-on ? A leur effondrement ! Parce qu’ils n’ont pas su exprimer les attentes de l’opinion, celle-ci s’en détourne.
Elle place son espoir en un personnage qu’à tort ou à raison elle croit à même de résoudre les problèmes. Bref, elle cherche l’"homme providentiel", selon l’expression de Jacqueline Martinez. Ainsi s’explique l’ascension de Fujimori au Pérou et de Menem en Argentine. Ces deux hommes, issus de groupes défavorisés, ont permis à tous les exclus de se reconnaître en eux, d’où leur succès.
Mais même l’"homme providentiel" ne fait plus recette. Car les problèmes économiques persistent. C’est donc à un rejet de la politique que sont conduits les gens. Ce rejet provoque un vide d’autant plus grave qu’il rejaillit sur la notion d’Etat. Celui-ci est accusé de tous les maux : corruption et incurie, entre autres.
Aussi, on compren l’adhésion populaire au discours libéral et au retrait de l’Etat. Tandis que ses partisans, surtout à gauche, n’arrivent pas à se faire entendre. L’Eglise elle-même est en crise.
Il est urgent, si l’on veut installer durablement la démocratie, de rendre ses lettres de noblesse à l’Etat. Et, pour cela, il faut faire rimer Etat et efficacité, Etat et service - en d’autres termes, comme le dit Jacqueline Martinez, "introduire une éthique de service public". Dans cette optique, l’action d’hommes de gauche, issus du milieu associatif, comme Tabaré, maire d’Asunción, qui veulent donner la parole au peuple et se mettre à leur service, est porteuse d’espoir. Même si les médias ne le soutiennent pas.
Un risque grave existe: à savoir, l’action parallèle des partisans des régimes autoritaires qui font campagne dans les bidonvilles et développent la dangereuse et simpliste idée du "bouc émissaire".
Il faut absolument obtenir une adhésion populaire à la démocratie naissante, si l’on veut pouvoir mettre en route une politique qui s’attaquera aux problèmes du continent.
Mais l’éradication de la pauvreté passe aussi par une solidarité accrue de l’Europe avec l’Amérique latine. Or l’Europe se préoccupe davantage des pays de l’Est. Et les pays comme l’Espagne ou la France, qui ont une volonté politique de s’engager plus aux côtés des pays latino-américains, n’ont pas posé des actes à la hauteur des intentions affichées. Soit par manque de moyens (l’Espagne), soit parce que d’autres régions ont retenu leurs moyens et leur attention (la France). Ainsi, la France s’est contentée d’un accord bilatéral avec le Vénézuela sur le pétrole. L’Union Européenne des Douze apparaît plus comme un concurrent économique que comme un allié dans les négociations du GATT.
La disparition des tensions Est/Ouest a débloqué des conflits au Nicaragua et au Salvador. Mais la tension n’est pas retombée car la déception des populations engendre des guérillas: "Sentier lumineux" au Pérou, les FARC en Colombie et des poussées de fièvre au Chili. Tous ces mouvements sont autant de dangers pour la démocratie.
A ce tableau sombre deux exceptions : le Chili, qui connaît une croissance de son PIB de 7 % l’an ; le Mexique qui, dans le cadre de l’ALENA, va disposer de transferts de technologies. Avec en plus une main-d’oeuvre compétitive, ce sont des motifs d’espoir dans un contexte morose.
coopération internationale, démocratie, sociologie, libéralisme, paupérisation, rôle de l’Etat
, Amérique Latine, Europe
Articles et dossiers
MARTINEZ, Jacqueline, CEDAL FRANCE=CENTRE D'ETUDE DU DEVELOPPEMENT EN AMERIQUE LATINE, Les ONG françaises et l'Amérique latine : nouveaux discours, nouvelles pratiques, CEDAL FRANCE in. COMUNICANDO, 1991/11/01 (France), 20, spécial 1492-1992, vol.1
CEDAL FRANCE (Centre d’Etude du Développement en Amérique Latine) - France - cedal (@) globenet.org