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dialogues, propositions, histoires pour une citoyenneté mondiale

Le voisin sait bien des choses

Communication et participation en milieu rural, leçons du cas brésilien

Pierre Yves GUIHENEUF

03 / 1996

Que le développement soit aussi affaire de communication, on l’oublie trop souvent. Pour beaucoup, le dialogue entre agriculteurs et techniciens semble aller de soi, il n’est conditionné que par la qualité de la relation interpersonnelle et constitue une évidence dès lors que la bonne volonté est manifeste. Erreur... Pour d’autres, la communication évoque des outils plutôt que des processus, une batterie d’instruments plutôt que du dialogue. Réducteur... La communication demande une certaine réflexion pour être efficace et contribuer à un processus de développement : non pas qu’elle soit affaire de spécialistes, mais parce qu’elle structure les rapports sociaux en même temps qu’elle en est révélatrice. A travers la communication, c’est à une analyse des relations entre techniciens et paysans mais plus largement entre l’ensemble des acteurs du développement que nous invite Michel Sauquet. Son travail, appuyé sur plusieurs années de formation au Brésil, vient alimenter une analyse sur le rôle des coopérants et autres développeurs, dont les attitudes sont bien plus décisives que la qualité de leur matériel ou que la pertinence de leur discours.

Nombreux sont ceux qui veulent s’adresser aux paysans. Ce livre voudrait les convaincre de les écouter d’abord. Bertrand Hervieu fait noter dans sa préface que l’absence d’une véritable problématique de l’écoute dans ces opérations ne peut manquer de surprendre : le développement dans les pays occidentaux n’a-t-il pas reposé sur la prise en compte des savoir-faire et la mise en mouvement des groupes ? Comment créer les conditions d’un meilleur dialogue en matière de développement rural ?

Les paysans expriment souvent leurs attentes en matière d’information. Elle peuvent être d’ordre stratégique, c’est-à-dire contribuer à améliorer leur niveau de vie : dans ce cas, dit l’un d’eux, "la bonne information est celle qui arrive au moment ou vous en avez besoin". Ce n’est donc pas toujours celle que les techniciens jugent adéquate à leurs yeux. Mais ils peuvent aussi attendre de la communication qu’elle contribue à élargir leur horizon ou à diffuser leurs luttes... Les paysans ont tout autant besoin de transmettre de l’information que d’en recevoir. Et ils ont besoin de s’adresser à d’autres paysans autant qu’aux techniciens ou aux autorités locales.

Une certaine image de la "bonne communication" commence à s’imposer parmi les techniciens. Mais attention à la manipulation ! De plus en plus nombreux sont ceux qui parlent de faire émerger les savoirs populaires... pour en retenir ce qui leur semble utile à leur projet. Quelques uns s’essaient même à l’astuce pédagogique qui consiste à faire dire aux paysans ce qu’eux mêmes cherchent à montrer. Ces techniques nient la capacité de l’agriculteur à procéder lui-même à un tri dans la masse d’information qu’il reçoit et à exprimer ce qui est important pour lui.

Le diffusionnisme, la verticalité, le transfert de technologies inadaptées, le manque d’intérêt pour les logiques des agriculteurs, le mythe de l’agriculteur-modèle, les terrains de démonstration ou les outils de communication à sens unique encombrent les théories de la communication, même au pays de Paulo Freire. Pour sortir de cet académisme, des conditions s’imposent, qui permettent de redéfinir les formes d’une nouvelle communication :

1. Crédibilité. La compétence professionnelle du "communicateur" est moins importante que son engagement et sa vie auprès de ceux avec lesquels il prétend communiquer.

2. Faisabilité. Il est inutile de s’évertuer à diffuser des techniques qui n’ont rien à voir avec les possibilités effectives des agriculteurs.

3. Participation. C’est la possibilité offerte aux agriculteurs de participer au choix des moyens de communication, à discuter et modifier les messages, à s’exprimer eux-mêmes.

4. Maitrise des outils. Réhabiliter l’écrit, démystifier le rôle des moyens de communication dernier cri, ne pas ignorer les mass media...

Il existe en fait trois univers de communication relativement distincts dans le milieu rural : celui des mass media, fort puissants au Brésil ; celui des vulgarisateurs, qui ont bien du mal à formuler des messages réalistes et à questionner leur rôle ; celui des paysans, qui échangent entre eux et interpellent ceux d’en haut. Le premier et le deuxième sont plutôt de type vertical descendant, le troisième plutôt horizontal ou ascendant. La question est de mieux les articuler.

Mots-clés

échange de savoirs, éducation, communication, vulgarisation agricole, développement rural, dialogue interculturel, système de connaissances


, Brésil

Commentaire

Trois annexes complètent ce texte : une méthodologie d’enquêtes participatives, une prestation de l’auteur à un séminaire à Bobo-Dioulasso à propos de l’Afrique, un synthèse des proposition du colloque international Communitech de 1987.

Source

Livre

SAUQUET, Michel, Le voisin sait bien des choses, Syros Alternatives, 1990 (France)

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