Pour aller plus loin que la reconversion des industries d’armement, réflexions sur la conversion des sociétés à l’art de la paix
03 / 1996
Aujourd’hui, la reconversion des industries d’armement est à la mode. Il est vrai qu’il a là un problème important, mais ses dimensions techniques et économiques ne doivent pas occulter la profondeur du débat. En réalité, c’est toute la société qu’il faut convertir à la paix et non pas seulement les entreprises qui produisent des armes. La reconversion des industries d’armement doit en effet s’accompagner d’une reconversion de la politique de défense et doit être activement soutenue par les gouvernements. Mais cela n’est pas simple et suppose en amont un renouveau de nos façons de penser. Le problème étroit du déplacement de ressources du militaire vers le civil ne suffira pas à assurer une paix durable dans nos sociétés et dans les relations internationales.
Les modes de production militaires et civils sont différents à plusieurs titres, ce que reflète la diversité des fonctionnements de la production et de la recherche ou les différences en ce qui concerne les cultures d’entreprise. Mais en dépit des différences dans la finalité de leurs produits (tuer ou être consommé : c’est l’arme ou le gadget)il existe des similitudes dans leurs nécessités. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a dans la production civile que des objets futiles, mais que ceux-ci, destinés à la consommation de masse, sont, avec les armes modernes, les produits dont dépend la croissance économique.
L’arme et le gadget : ce n’est pas une simple métaphore, c’est la conjonction de deux symboles qui représentent chacun l’une des faces (militaire ou civile)d’une société dont la caractéristique fondamentale est la violence. L’arme, c’est la violence dans ce qu’elle a de négatif : la destruction. Le gadget, c’est la violence positive : la tyrannie des biens de consommation, la fausse liberté de nos sociétés modernes, l’illusion du progrès... La dénonciation de la violence négative est difficile, mais reconnue comme légitime. Il en va autrement de la dénonciation de la violence positive. Il y a bien eu un bouillonnement d’idées nouvelles dans les années soixante et soixante-dix, notamment grâce aux écrits de Illich et Schumacher. Malgré leurs limites, leurs analyses avaient le mérite de poser les vraies questions : celles des rapports entre l’homme et la technique, l’homme et la recherche, l’homme et le progrès. Mais depuis lors, peu de réflexions sont venues faire avancer le débat.
Il apparaît que, dans les travaux récents portant sur l’avenir des sociétés modernes ou la gestion de la planète, le concept de paix est rarement évoqué. Au plus profond de l’inconscient individuel et collectif existe un tabou qui empêche l’homme de concevoir une vie paisible. Pour A. Mischerlich, neurologue et freudien, "se sentir privé de la possibilité d’exprimer collectivement l’agressivité est interprété inconsciemment comme un état de vulnérabilité des plus menaçants. Cela se reflète dans une vague répugnance à s’occuper de la paix autrement que par des déclarations et pourrait être l’une des raisons pour lesquelles le terme de paix mondiale sonne faux et creux dans tant de bouches". Si donc nous voulons cesser de préparer la guerre, nous devons dépasser ce tabou et envisager de construire la paix.
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Livre
GSPONER, André, L'arme et le gadget, FPH, 1993 (France), n° 35
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