Un ethnologue dans la rue : le quotidien des plus démunis en France
10 / 1995
Patrick GABORIAU, ethnologue, a passé 22 mois aux contacts d’un groupe de clochards pour nous raconter leur vie quotidienne, leurs goûts, leurs sentiments, etc....
Au fil des pages, on suit Didier, André, Rodrigo, Gilles et Mireille, on s’imprègne du déroulement de leurs journées, à la fois routinières et pauvres en actions, parfois paisibles et sans histoire, plus rarement rocambolesques et joyeuses.
Tous les cinq, d’origine sociale modeste, ont vécu une jeunesse marquée par la mort précoce de l’un ou l’autre de leurs parents, le renvoi du domicile familial ou la "galère" : périodes successives de petits boulots avec logement et de "chômage" sans abri.
Ce sont des hommes et femmes, avec leur joies et leurs peines, leurs douleurs mentales et physiques, partagés entre deux conceptions celle de s’estimer dominés (voir rejetés)par le reste de la population, et celle de s’estimer libre et gérant sa propre vie comme ils l’entendent.
On apprend le rôle social du clochard, en tant que "présence" et "animation" de la rue. La rétribution du clochard est la reconnaissance de cette "création de sociabilité", d’autant plus forte et nécessaire dans les villes que les gens ne communiquent plus entre eux. Ce rôle social passe plus facilement par les enfants ou les chiens, véritables médiateurs, mais aussi les personnes plus âgées qui parfois confient préoccupations et problèmes.
On apprend aussi que le "monde de la rue" reste un monde atypique avec de bons clochards (ou clochards méritants)sociables, propres et à jeun, mieux rémunérés par la clientèle (faire la manche est un véritable travail nécessaire à la survie), et les "mauvais clochards", sales, ivres et muets.
On apprend que les ressources varient, bien sûr, selon le tempérament et la condition sociale de l’individu (présence ou pas du RMI), mais aussi quotidiennement (le dimanche est de loin le jour le plus favorable), qu’elles sont saisonnières et liées aux températures extérieures (" le mieux, c’est la neige; une fois que nous étions ives, on a abandonnés nos vieilles chaussures pour marcher pieds nus dans la neige; un marchand de chaussures nous a offert à tous une paire de neuves, et le même jour un gars nous a refilés 50 000 francs (anciens)").
L’hôpital reste un lieu de confort et de ressourcement, la police reste crainte.
Le partage, même s’il reste présent au sein de la petite communauté, s’érode doucement car "les temps deviennent de plus en plus durs" et les gens de "plus en plus individualistes".
Les modes d’acquisition sont au nombre de cinq : l’achat pour la nourriture et le vin (omniprésent), le don pour l’argent et parfois la nourriture, l’échange, le vol ou plutôt "la débrouille", rarement préméditée et réalisée pour ne pas périr complètement alors "qu’ils" s’empiffrent et.... la fouille dans les poubelles.
Les projets à long terme sont absents, la sexualité difficile et cachée, les rêves explicites....
Dans un style simple, sous forme de petits paragraphes thématiques mélant réflexions et présentations de "tranches de vie", en employant les termes usités par les "fauchés", l’auteur nous fait pénétrer avec succès dans le "microcosme" de moins en moins "micro" des sans abri et des clochards.
personne exclue, ethnologie, chômeur, conditions de vie, exclusion sociale, lien social, pauvreté, faim
, France, Paris
Livre
GABORIAU, Patrick, Clochard, Julliard, 1993 (France)
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