De la formation à l’action : le développement des compétences dans l’interaction
05 / 1997
Le quartier de la Romière-Le Bouchet au Chambon-Feugerolles (vallée de l’Ondaine, Loire)est un quartier enclavé. Une quinzaine de femmes suivent pour la deuxième année des cours d’alphabétisation dispensés par le CILEC (Centre international de langues et civilisation)alternativement à l’université de St Étienne et à la bibliothèque municipale (au centre ville). Une cinquantaine au total participe aux actions de formation et de sensibilisation "Parents personnes ressources" : cours d’apprentissage ou de perfectionnement à la langue française (confiés au Cilec), module de connaissance du monde du travail (confié à l’association Retravailler), groupe de parole "comment aider nos enfants à réussir leur insertion sociale" (confié à l’École des parents).
Cette action crée du mouvement, des ouvertures, des rencontres, transforme des représentations et met à jour des potentialités jusque là cachées. Ses effets dans le quartier vont au-delà de la démarche de formation personnelle : elles transforment les représentations, les pratiques des habitants aussi bien que des professionnels qui les accompagnent.
Michèle Perrin (équipe de maîtrise d’ uvre urbaine et sociale), Mireille Combrade (responsable de la bibliothèque), Odile Jacquinod (formatrice au Cilec), Dominique Paddeu (institutrice à l’école Zola)et Nicole Curtil (animatrice au centre social)essaient de nommer les effets de cette action et les compétences mises en uvre pour obtenir ce résultat.
DES REPRÉSENTATIONS ET DES COMPORTEMENTS MODIFIÉS
"Les barrières sont tombées" dit Dominique Paddeu. Cela est vrai aussi bien pour les femmes que pour les professionnels, les enseignants... Au delà du déplacement physique pour les femmes, une rencontre entre milieux sociaux et culturels différents s’est réellement produite : connaissance et compréhension de règles, d’activités, de valeurs différentes et des rôles de chacun.
C’est le cas pour les institutrices et les bibliothécaires :"à travers les questions on comprend les soucis des parents , on a une meilleure connaissance des familles. On change de regard". Plus largement, les rapports entre femmes et professionnels sont transformés : les femmes se sentent plus libres d’interpeller l’institutrice, de venir à la bibliothèque... les professionnels plus légitimés pour intervenir auprès des enfants et des jeunes où qu’ils soient. Le comportement des enfants à l’école et plus particulièrement à la bibliothèque s’en trouve modifié.
UNE COHÉRENCE DANS L’ARTICULATON DES SAVOIR-FAIRE DE CHACUNE
Chacune s’accorde à dire que la réussite de cette action est aussi le résultat d’un travail de réflexion préalable et collectif entre les professionnels du quartier, depuis que le DSU s’est mis en place : accord sur des objectifs communs (exemple de la charte de la ZEP), une meilleure connaissance de ce que font les uns et les autres et un travail d’analyse de la demande des femmes elles-mêmes. L’action dans chaque structure ou équipement a fait écho et a conforté des objectifs de travail internes.
A l’école, les directives étaient d’associer les familles. Mais quelle place leur donner ? Cette action a été un moyen d’ouvrir l’école dans un cadre collectif, précise Dominique Paddeu. Elle oblige à modifier des pratiques pour prendre en compte une meilleure connaissance des familles et explicite auprès des parents le travail entrepris. Elle légitime donc les parents dans leur rôle éducatif.
A la bibliothèque, l’équipe n’engageait plus d’actions contre l’illettrisme tout en étant en veille car la formation des publics n’entrait pas dans ses compétences. Le fait d’accueillir ce groupe lui a permis d’agir. Elle a construit des propositions de conférences qui pouvaient concerner les femmes : conférences d’auteurs primés par le Goncourt et qui ont su exprimer par écrit des "tranches de vie" auxquelles certaines femmes du groupe sont venues assister et échanger. Au centre social, le choix d’associer le public visé à l’élaboration du projet qui le concerne est confirmé. Odile Jacquinod insiste sur l’exigence de qualité de la part des financeurs et des porteurs du projet qu’implique le choix du Cilec par rapport à des associations d’alphabétisation plus "classiques".Cette exigence de qualité conduit les femmes à avoir la même exigence pour elles-mêmes et leur entourage.
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, France, Chambon-Feugerolles, Haute-Loire
Chacun trouve donc un intérêt à participer à l’action car il est renforcé dans ses missions tout en leur donnant une ampleur plus large. Il n’y a donc pas d’effet de concurrence, mais plutôt une complémentarité. Odile Jacquinod dit ainsi que "c’est un plus, une manière de travailler confortable et plus reconnue. On peut se reposer complètement sur les autres pour les aspects qui ne sont pas de notre mission directe". C’est dans la cohérence construite ensemble et progressivement que les acteurs se reconnaissent. Ils confortent leur action, lui donnent du sens et en cas d’échec ou de difficulté peuvent s’appuyer sur d’autres pour continuer.
Cette action s’appuie sur la conviction que le développement personnel des femmes produit des effets plus larges. Leur qualité est d’être en phase avec les autres habitants parce qu’elles vivent des réalités proches dues à un environnement social difficile. Elles sont donc en capacité d’agir dans le quartier pour un mieux-être collectif.
Contact : Michèle Perrin 04.77.40.14.50
Entretien avec PERRIN, Michèle
Entretien ; Articles et dossiers
CR-DSU, Acteurs du développement, compétences et qualification, systèmes de coopération, CR-DSU in. Les Cahiers du CR-DSU, 1997/06 (France), n° 15
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