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Le Fonds d’investissement local de Sikasso, Mali

Yves FOURNIER

04 / 1995

La problématique à l’origine de la mise en place du Fonds d’investissement local (FIL) de Sikasso (Mali) par l’IRAM reposait sur le constat que, malgré l’existence de systèmes financiers fondés sur le crédit et l’épargne (BNDA, caisses « Kafo Jiginew »), certains besoins de financement d’objets relevant de la gestion de terroirs / conservation des ressources naturelles à rentabilité souvent différée ne pouvaient être éligibles au crédit. D’autre part, un autre constat montrait que, malgré les revenus monétaires issus du coton et notamment les ristournes accumulées collectivement par les associations villageoises et qui leur avaient permis d’autofinancer de nombreuses réalisations communautaires (centre de santé, magasins, écoles, etc.), la liste des projets à réaliser demeurait toujours aussi importante. Enfin le besoin d’un système de financement était confirmé par les investigations conduites par le Projet Gestion de terroirs de Sikasso.

Après une identification de la problématique (1992), le FIL de Sikasso démarrait début 1993 avec pour objectifs :

  • faire émerger un nouvel outil financier reposant sur la subvention en contrepartie de l’effort financier des villages et se pérennisant

  • créer dès le départ une dynamique d’appropriation par les organisations paysannes concernées

  • séparer la fonction financière (assurée par le FIL) et la fonction technique assurée par la cellule d’appui aux projets du Projet Gestion de terroirs (CAP-PGT). L’effort était mis, dans une phase expérimentale de trois ans (1993-1996), sur la mise au point d’une méthodologie reproductible.

Dès le début de l’action était créée une commission paysanne composée de villageois cooptés issus de la zone géographique d’intervention (cercles de Sikasso et de Kadiolo) et impliqués dans les organisations paysannes. Sa mission était de définir, en liaison avec la cellule légère de gestion du FIL (un cadre expatrié, un cadre national), les orientations générales, les objets de financement éligibles au Fonds, les règles et procédures d’organisation et de gestion. D’emblée, la commission fixait les objets éligibles au financement du seul secteur de la gestion de terroirs concourant au maintien du potentiel de production agricole.

Au niveau de chaque zone d’intervention (groupe de dix à vingt villages ayant des affinités socio-économiques et culturelles et proches géographiquement) était constitué un comité d’attribution intervillageois composé de représentants paysans désignés par chaque village. Ces comités statuent sur les dossiers de projets d’investissements présentés par les villageois et prennent les décisions de financement selon les règles et procédures élaborées par la commission paysanne. Le premier semestre 1994 a vu les premières réalisations sur la zone de Fama (première zone d’intervention avec onze villages, puis seize l’année suivante). Ces réalisations (deux barrages, deux mares pastorales, une mare piscicole, un puits à grand diamètre et une pépinière) ont montré la priorité donnée à l’accès à l’eau ainsi que le besoin d’organisation et de gestion de ces investissements. Pour chacune des réalisations, les villages concernés ont constitué un comité de gestion pour assurer le suivi des études, de la réalisation et de la gestion technique et financière des ouvrages, avec l’appui du comité d’attribution intervillageois de la zone.

Le financement est soutenu par un dispositif contractuel, mobilisant des prestataires de services privés locaux que le FIL et la CAP-PGT ont fait émerger (douze prestataires privés). Chaque décision de financement - pour les études de faisabilité ou la réalisation- est suivie d’un contrat quadripartite reprenant les engagements de chacune des parties (villages bénéficiaires, prestataires privés, FIL et CAP-PGT).

La contribution financière des villages s’établit en moyenne à 26 % du total de l’investissement en année 1, mais elle croît ensuite par la dotation d’une caisse d’entretien, d’une caisse de renouvellement de l’investissement financé et la constitution d’un fonds intervillageois de zone (montants déposés sur un compte à la caisse « Kafo Jiginew »), et s’établit à 54 % en année 5, puis 94 % en année 10.

L’impact des premiers aménagements présente des enseignements intéressants. Car, si l’accès à l’eau, pour l’alimentation du bétail ou les besoins humains, reste l’objectif premier, il génère des effets sur la production agricole comme dans le cas du village de Sabenebougou où le barrage autorise maintenant 70 hectares de cultures maraîchères (contre 45 hectares avant) et permet de doubler les surfaces en pommes de terre, ou au village de Siramana où 150 hectares de riz sont possibles (contre 80 avant). S’ajoutent parfois aussi la pisciculture (villages de Tenebougou et Siramana). Lorsque le site ne se prête pas à la production agricole (cas de la mare du village de Naniasonni), les éleveurs notent que l’eau, auparavant tarie en janvier, se prolonge jusqu’en mai, soit jusqu’à la veille de la saison des pluies, assurant ainsi la disponibilité d’eau pour le bétail.

Après deux ans d’activités, le FIL étend ses activités sur 80 villages formant 5 zones et enregistre 83 projets d’investissements villageois demandés. Il diversifie le partenariat technique et, après la CAP-PGT de Sikasso, c’est avec le projet Gestion de terroirs de l’AFVP (Kadiolo) et la Fédération des Unions de tons de Sikasso (Finkolo) que des collaborations sont engagées de manière à acquérir une expérience diversifiée.

Mots-clés

financement, organisation paysanne, développement local, investissement, cofinancement, méthodologie


, Mali, Sikasso

dossier

Microfinances pour le développement : diversité et enjeux des crédits alternatifs

Commentaire

Le FIL de Sikasso veut combler le vide causé par l’absence d’outil financier en matière de financement d’investissements de gestion terroirs visant le maintien du potentiel productif agricole. Il est en cela complémentaire des institutions financières fondées sur le crédit et l’épargne qui ne réalisent pas de tels financements. Il révèle un potentiel de demandes de financement qu’il paraît préférable de traiter par l’apport de subventions en co-financements de l’effort des villages qui se révèle lui-même important en durée et générateur de dynamiques villageoises, plutôt que par des prêts long terme dont le remboursement est aléatoire comme l’ont montré les institutions de crédit.

Mais il pose aussi des questions non résolues pour l’instant : d’abord, celle de son autonomie financière et donc de sa pérennité en ce qui concerne les ressources financières qu’il faut reconstituer périodiquement. Peut-on penser à une reconstitution à partir d’une fiscalité locale ? Cela semble peu probable dans un contexte où la mise en place de communes rurales l’absorbera. Peut-on penser que les bailleurs de fonds pourraient être intéressés à apporter des ressources financières à un Fonds d’investissement local doté de la personnalité morale et géré par des organisations paysannes ? Une autre question reste celle de l’articulation entre un tel fonds - de nature privée puisque aux mains des organisations paysannes- et les communes rurales qui disposeront sans doute à terme de budgets ou Fonds d’investissement communaux.

Source

Document de travail

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