Etude exploratoire en vue de comprendre l’utilisation des programmes d’aide alimentaire par les familles
Pascale GERBOUIN REROLLE, Michel CHAULIAC
11 / 1996
En pays développés, les situations de grande précarité rencontrées en milieu urbain ont des effets particulièrement préoccupants sur la sécurité alimentaire des familles, notamment celles ayant de jeunes enfants. Selon l’INSEE, la part de l’alimentation dans le budget des ménages se situait en moyenne à 16,8 % en 1990 mais atteignait 50 % du revenu dans les cas de grande pauvreté. Selon le CREDOC, 53 % des ménages les plus pauvres (ressources inférieures à 60 % du SMIC par unité de consommation)réduisent leurs dépenses alimentaires pou pallier la baisse de leurs revenus.
L’évolution de la pauvreté en France est défavorable aux enfants : "en 1994, 15,3 % des moins de 17 ans vivent dans un ménage pauvre, contre 13,7 % sept ans plus tôt". Le fort développement de l’offre d’aide alimentaire depuis une dizaine d’années révèle l’existence d’un besoin chez un nombre croissant de ménages. Son volume annuel serait de 1,5 milliards de francs en 1994. Selon les chiffres fournis par les trois principales associations distribuant cette aide alimentaire, la Fédération Française des Banques Alimentaires, les Restaurants du Coeur et le Secours Populaire, le nombre de bénéficiaires pouvait être estimé à 2 millions de personnes en 1993, dont plus de la moitié sont des couples avec enfants et des familles monoparentales.
L’importance revêtue en France par cette forme d’aide incite à connaître sa place dans la consommation alimentaire des familles ayant des enfants en bas-âge. Deux études ont été réalisées en 1995 par le CIE pour une première approche de ce thème (1). La première, explicitée ci-dessous, a été menée à Saint Denis, dans la région parisienne.
Les programmes d’aide alimentaire et leur utilisation par les familles défavorisées de Saint-Denis.
Cette étude avait pour objectif de caractériser les familles ayant recours à l’aide, d’analyser son utilisation dans l’alimentation et d’évaluer le niveau des satisfaction des besoins des familles bénéficiaires. Elle a consisté en :
- une enquête par questionnaire auprès des responsables (bénévoles)des organismes distribuant de l’aide alimentaire, après recensement de ceux-ci sur la commune de Saint-Denis, afin de connaître les modalités d’attribution et de distribution, le type de population desservie, les types de produits donnés et aussi les difficultés rencontrées dans la relation aux bénéficiaires ;
- une enquête par questionnaire semi-fermé auprès d’un échantillon de 40 bénéficiaires recrutés à la sortie des sessions de distribution de chacune des 4 associations existantes et visant à connaître la composition et le niveau socio-économique du ménage, les pratiques alimentaires familiales et celles relatives aux enfants, l’utilisation faite des produits reçus et les problèmes rencontrés dans le recours à l’aide.
Les bénéficiaires des 4 associations exerçant à Saint-Denis sont durant l’hiver 94/95 environ 3500, la commune comptant 90000 habitants. Plus de la moitié sont issus de ménages avec enfants, sur lesquels a porté l’étude. Parmi ceux-ci, 74 % ne disposent que du RMI et/ou d’allocations familiales et leur dépense alimentaire mensuelle moyenne s’élève à 2172 FF, soit 51% du revenu moyen.
Ces familles ont en moyenne 2 enfants de moins de 12 ans, 30 % d’entre elles ont un enfant de moins de 12 mois. Les 4 associations distribuent les mêmes types de produits, principalement conserves (raviolis), produits de base (sucre, farine, huile...), viande et poisson surgelés. Une seule d’entre elles propose des produits pour jeunes enfants (lait 1er âge, couches...).
L’influence de l’aide reçue sur la composition des repas semble déterminante et sa faible variété contribue à la monotonie du régime alimentaire. Les produits de base sont plus utilisés, avec une préparation plus élaborée dans les familles d’émigrés. 40% des bénéficiaires enquêtés expriment le besoin d’autres produits (produits pour jeune enfant, aliments festifs, produits d’hygiène). 45% des ménages sont satisfaits quant à la quantité reçue et 22,6 % quant à la qualité de l’aide. Le souhait d’une plus grande diversité est spontanément exprimé par 30% des premiers et 44% des seconds.
Certaines préoccupations concernant la qualité, au sujet de la date de péremption par exemple semblent surtout liées au faible statut social conféré aux produits reçus.
L’observation de 12 sessions montre que les modalités de distribution sont aussi sources de frustration : horaires contraignants, queues, absence de choix et accueil d’une qualité perçue comme insatisfaisante contribuent à la multiplication de conflits lors des sessions.
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, France
(1)Contacts :P. GERBOUIN REROLLE, Pascale et M. CHAULIAC, CIE= Centre International de l’Enfance, Château de Longchamp, 75016 Paris, FRANCE. Tel (33)1 44 30 20 00. Fax (33)1 45 25 73 67
Texte original
<GERBOUIN REROLLE, Pascale>, <CHABEAU, L.>, Food Programmes and families in a suburb of Paris. In : Poverty and Food in Welfare Societes, Berlin : SIGMA. A paraître.
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